interview ‘ My Own Private Alaska’

vendredi/18/10/2024
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Rencontre avec Tristan de my own private Alaska 

Merci à Elodie de ‘ellie promotion’

Art ‘N’Roll : Tristan, pour toi, le screamo… Est-ce que je le prononce bien ? 

Tristan : (Rires) le screamo ! 

Art ‘N’Roll : (Rires) le screamo, oui c’est bien ça. 

Tristan : Je ne sais pas si on peut catégoriser notre musique comme étant du screamo. Ce n’est pas nous qui nous nous étions définis comme ça. Mais, effectivement, il y a du cri, donc « scream » en anglais, sur une base de piano et de batterie, donc admettons, pas de soucis. 

Art ‘N’Roll : C est du punk hardcore ? 

Tristan : Il y a ce côté libérateur du cri…

Art ‘N’Roll : Un intérêt romantique, féministe, politique, des droits de l’homme, un peu de tout ? 

Tristan : (Rires) Tu y mets beaucoup de choses. Pour nous, il y a juste la volonté au niveau esthétique de proposer une musique qui se veut un peu extrême, même s’il y a du piano. Et c’est justement tout l’enjeu, de provoquer des émotions et un étonnement chez les gens. De proposer quelqu’un qui va crier sur du piano, on ne s’y attend pas forcément. 

Aujourd’hui, je ne suis plus objectif, parce que ça fait quinze ans que je fais cette musique, je trouve que ça fonctionne bien. L’idée c’est de proposer quelque chose d’un peu neuf en cassant les codes de toute cette grande famille du metal. Après, c’est difficile de répondre à la place du chanteur, au niveau de ses textes, est-ce qu’il y a un message politique ? Pas nécessairement très explicite, mais à travers des thématiques qui lui sont propres et qu’il veut quand même être le plus universelles possibles. C’est pour ça qu’il n’y a jamais de prénom, il n’y a jamais de nom qui y sont dits, mais chacun peut y trouver son compte et ça permet de dire des choses qui sont très personnelles et très lourdes et de pouvoir le hurler : c’est libérateur, ça c’est sûr ! 

Art ‘N’Roll : Moi qui ne connaissais pas ce style, j’ai découvert. Il m’a fallu quand même du temps pour m’y mettre, mais quand on écoute votre dernier album, en fait, les titres te restent dans la tête, la musique et surtout le piano sont profondément… on se dit il y a carrément quelque chose, mais il faut du temps pour s’imprégner de votre musique. Est-ce que tu es d’accord ? 

Tristan : Comme je te disais, moi je ne le vois plus. Pour moi, c’est une musique qui est « normale » standard, le fait qu’il y ait quelqu’un qui fasse de la musique extrême sur mon piano, ça ne me choque pas du tout, mais je l’entends par rapport à quelqu’un qui ne s’attend pas à ça. Je comprends le côté : « Tiens qu’est-ce que c’est ? ça ne veut rien dire, j’ai perdu tous mes repères. » Je l’entends encore. En revanche, je ne le vis pas du tout comme ça. 

Ceci dit, notre groupe a été fondé en 2007, on n’a pas joué tout du long parce qu’on a fait une pause de 6 ans mais, j’ai envie de penser qu’en 2024, c’est moins choquant ce genre de groupe. Je ne sais ce que toi tu en penses ? 

Art ‘N’Roll : C’est moins choquant, c’est vrai ! 

Tristan : On s’ouvre plus sur des choses qui sortent des sentiers battus, mais je comprends que pour quelqu’un qui n’a pas le background rock métal, ce soit compliqué, c’est sûr. 

Art ‘N’Roll : Mais on y arrive, je t’avouerai. (Rires)

Tristan : Tant mieux c’est chouette. 

Art ‘N’Roll : Vous avez fait une pause de 6 ans, est-ce que c’est du fait d’avoir travaillé avec Ross qui est un des grands producteurs, est-ce que ça vous a mis une pression ? Vous vous êtes arrêtés pendant 6 ans quand même ? 

Tristan : C’est vrai, mais ce n’est pas à cause de ça. Au contraire, il nous a ouvert plein de portes : une visibilité médiatique et même une visibilité philosophique, parce qu’il est connu pour ça et pour l’avoir vécu, je te confirme que c’est un truc de fou. Deux mois avec lui, c’est 10 ans de psy ! Il a franchement une capacité à te faire te poser des questions, à te triturer l’esprit, mais dans le bon sens du terme. À savoir : pourquoi est-ce que tu fais de la musique ? Qui est ce ça t’amène dans la vie ? Qu’est-ce que tu as envie d’exprimer ? Si tu dis quelque chose, il faut que tu le vives à mille pour cent sinon ça ne sert à rien. Donc, si tu veux, tu te mets à poil, jusqu’à ce que le meilleur de toi-même et parfois le pire s’exprime. C’est pour ça que ça touche les gens. 

Donc Ross Robinson nous a ouvert l’esprit, il nous a ouvert des portes et ce qui a fait qu’on a fait une pause pendant 6 ans, c’est très logistique.  

De mon côté à l’époque, je ne voulais pas le remplacer. Je voulais attendre qu’il ait plus de temps et ça a duré, duré. Au bout d’un moment, on s’est dit on arrête ! parce que ça ne sert à rien. Et finalement… 

Art ‘N’Roll : Finalement vous revoilà ! 

Tristan : Et puis, nous revoilà. On a décidé de se reformer juste au moment du COVID. Donc, ça nous a refait mal, mais que veux-tu c’était pour tous les groupes. Ça nous a fait aussi du bien : on a digéré plein de choses, on en a profité du coup, pour trouver un nouveau batteur et ajouter une quatrième personne, parce qu’on était un trio à la base. On a ajouté un synthé-basse donc, quelqu’un qui joue de la basse, mais pas avec une basse, avec un synthé ! 

Art ‘N’Roll : Mais il est encore discret le synthé sur ce nouvel album ? 

Tristan : C’est sûr que le piano c’est l’instrument principal et je pense que ça ne changera jamais. C’est vraiment notre marque de fabrique et c’est ce qui fait toute la mélodie, c’est sûr. Mais regarde dans le rock metal, je ne sais pas si tu connais ce groupe Primus ?

Art ‘N’Roll : De nom, oui.

Tristan : C’est le seul groupe où la basse est en avant et c’est la guitare qui accompagne la basse, mais ça reste anecdotique et très rare. Dans notre groupe ce sera toujours le piano qui sera mis en avant parce que c’est lui qui joue la mélodie. 

Art ‘N’Roll : La mélodie est constante avec ton piano sur tous les titres en fait. 

Tristan : Oui. C’est sûr. Il faut concevoir le piano comme étant la guitare d’un groupe qui est au-devant de la scène, dans le rock metal c’est plutôt guitare/chant, nous c’est piano/chant. Voilà. 

Art ‘N’Roll : Piano/chant oui. Est-ce qu’à l’avenir vous resterez toujours assis ou vous êtes debout un petit peu ? 

Tristan : (Rires) Ça arrive au chanteur de se lever sur certains morceaux, sur certains passages. Pour l’anecdote, au début, il chantait assis parce que c’était le seul à être debout entre le batteur et moi qui suis assis au piano. Il n’avait pas envie d’être debout tout seul, donc il s’est assis. On a décidé de jouer sur scène comme ça, tous les trois assis. Mais tu t’aperçois que si tu te contrains à être assis, quand tu hurles des choses, ça n’a pas de sens, tu as envie de te lever et d’exprimer avec le corps. C’est quelque chose de physique ! 

Art ‘N’Roll : Ça ne doit pas être simple !

Tristan : Non. C’est clair. Donc, il se lève. Si vous venez nous voir en live ça commence assis et il n’est pas tout le temps assis. 

Art ‘N’Roll :  Ka Ora raconte une histoire vraie, qui est très forte en émotion. Je crois que c’est la principale de l’album, qui ferait un très beau single. 

Tristan : Oui, c’est ça. On l’a mise en avant en faisant une vidéo, pour promouvoir l’album. C’est effectivement un morceau qui représente bien l’album et qui est assez fort. Sur la thématique, je te vois venir, je pense que c’est ce que tu voulais dire, à propos du sujet. 

Art ‘N’Roll : Oui. 

Tristan : Le grand-père de la belle famille du chanteur, était à la guerre en…

Art ‘N’Roll : … Sibérie

Tristan : Oui, côté Russe en Sibérie. Son métier c’était de réparer les ponts qui étaient pétés par les bombes. En réparant le pont, il avait les pieds dans l’eau. Les paroles sont : les jambes sont bleues, le sang est noir. Parce que le sang sur la neige devient noir. Et tout de suite après il dit : « ce ne sera pas écrit bon, sur ta tête, ce ne sera pas écrit mauvais sur ta tête dans une guerre » . Parce que quand tu es pris dans quelque chose qui te dépasse – la population à un moment donné elle est prise en otage – on ne peut pas dire ni bon, ni mauvais : c’est l’histoire qui dit si tu étais du bon ou du mauvais côté. C’est l’histoire qui fait l’arbitre. 

Ce sont des notions, des thématiques, qui sont lourdes et c’est difficile d’en discuter. Moi, j’ai des gamins et quand tu parles de la guerre on prend toujours l’exemple de la guerre avec l’Allemagne et les enfants me disent : « mais papa c’est dégueulasse les collabos c’est des méchants. » Et je réponds : « Oui, c’est sûr que ce n’est vraiment pas bien. Mais quand on te dit : soit tu nous dis où sont les juifs, soit on tue ton petit frère, ta mère et ton grand-père. Qu’est-ce que tu ferais ? ». « Ah, oui  ! Peut-être que je le dirais ! ». « Du coup, est-ce que tu te considères comme un méchant ? » « Beh, non quand même pas ! ». Voilà ce n’est pas facile. 

Donc, cette chanson parle aussi de ça, le positionnement personnel, d’être pris dans l’engrenage des choses qui nous dépassent et pour lesquelles c’est très facile d’avoir un avis rapide et superficiel. Ce morceau évoque la difficulté d’être dans des positions qui sont plus compliquées qu’il n’y paraît quand on donne son avis sur des choses aussi graves que les conflits, la guerre, etc.  

Art ‘N’Roll : Chaque texte, chaque chanson de ce nouvel album, quand on écoute la musique correspond tout à fait au texte. Comment faites-vous ? Vous choisissez un texte, un thème en rapport avec la musique ? 

Tristan : Je t’avoue que c’est exclusivement tout le temps l’inverse. J’arrive avec le piano et ce sont les images qui évoquent des choses à notre chanteur.. 

Art ‘N’Roll : Tu écris tes mélodies ?

Tristan : C’est ça, je joue et ça lui évoque des choses. D’abord des sons, il chante en yaourt par-dessus et quand il y a des choses qui lui plaisent, il s’enregistre et il va se servir des sons qu’il a chantés en yaourt pour lui évoquer des mots. Quand il chante des A, des I, des ON, des IE, des je-sais-pas-quoi, il trouve des mots qui y ressemblent. C’est ce qui fait que c’est presque poétique parce qu’il colle des mots que tu n’aurais pas forcément pensé à lier entre eux. Après, il trouve une thématique pour développer quelque chose d’intelligible, de plus pertinent, plus profond. 

C’est fait comme ça. Il y a tout un travail de composition de la voix qui arrive dans un second temps. 

Art ‘N’Roll : Utilisez vous des des samplers, à l’ écoute We all die on ressent la thématique de cette chanson à chaque début et ça correspond vraiment bien à vos textes à l’imagerie de la chanson

Tristan :  Complètement.

Pour nous, c’est la fuck you song. On peut faire des chansons où il y peut avoir plusieurs sens, où tu peux y projeter ce que tu veux. Autant celle-ci, est très premier degré. C’est : on va tous mourir mais peut-être que toi tu mourras avant moi. Encore une fois, je ne suis pas dans la tête du chanteur, mais, je pense qu’il pensait à une ou deux personnes en particulier dans sa vie privée quand il a écrit cette chanson. C’est vrai que, pour le coup, tu disais que le piano était mis en avant, là, c’est sans doute le morceau sur lequel je joue le moins. Il fait la part belle au synthé-basse qui fait toutes ces textures, ces « pah pah pah pah » au début et tout au long du morceau d’ailleurs. C’est le côté électro, c’est le nouvel apport du quatrième membre qu’on a intégré au groupe dernièrement. On voulait mettre ça en avant et essayer d’explorer ces horizons un peu électro et un peu bruts. 

Art ‘N’Roll : On ne peut pas dire que vous ayez fait un album conceptuel ? 

Tristan : Parfois c’est comme ça. Mais on s’aperçoit que c’est assez homogène, il y a un fil rouge tout du long effectivement. On l’a composé en très peu de temps. Les morceaux sont différents, mais ont une âme qui est assez identique et homogène. Même si ça ne faisait pas longtemps qu’on avait sorti un album, une fois qu’on était dans la salle de répètes et qu’on a voulu composer il y a eu une certaine urgence à faire les choses. Je sais qu’on est assez bons là-dedans. C’est un peu prétentieux de dire ça, mais on a confiance dans ce qu’on fait, on sait qu’on va avancer et qu’à la fin de la journée on aura quelque chose sur lequel travailler. Et, c’est chouette ! Je pense que l’album il a une identité.

Art ‘N’Roll : En 2022 vous avez participé au festival motocultor ,te souviens tu de ce moment intense de votre prestation?

Tristan : Je ne me rends pas bien compte. C’est vrai qu’on a bien aimé ! On était sur la main stage en plus, c’était très chouette d’avoir une grande scène pour nous, alors qu’on ne prend pas beaucoup de place. Tu imagines bien avec juste un piano, un chanteur et un batteur. Mais c’était bien ! 

Après, on peut parler d’autres dates, on avait fait le Hellfest aussi l’année d’avant, sur la scène de La Vallée, c’était très chouette ! Mais le Motocultor c’était très bien, parce que ça se veut un festival avec un métal assez dur et le fait d’être sur la main stage en jouant une musique où il n’y a pas de guitare, ça nous a fait assez marrer. C’était cool de voir que les gens étaient réceptifs. 

Une autre anecdote, quand on a fait la première partie de Metallica dans les arènes de Nîmes, on était vraiment parmi les fans qui adorent les guitares, alors c’était encore plus fou, encore plus bizarre. (Rires) c’était en 2010. 

Art ‘N’Roll : Avez vous des projets en dehors du groupe?

Tristan : J’ai déjà composé pour du théâtre, j’ai mis en musique une pièce de quatre heures que j’ai composé et là je me suis vraiment mis dans la peau d’un musicien de cinéma : avec un thème par personnage, des entre-thèmes pour faire des transitions, des montées. C’était un exercice que j’ai adoré, mais c’était à titre personnel ce n’était pas avec My own private Alaska. 

Mais ce que tu dis, reviens souvent, que l’on fait une musique qui évoque des paysages, le cinéma je le comprends tout à fait, je pense que c’est l’apport du piano qui permet d’exprimer une palette d’émotions, qui est un poil plus grande que la guitare. Parce que c’est vrai, il faut dire, que c’est rare d’utiliser la guitare pour de la musique de film. 

Pour nous l’avenir c’est de tourner, notamment à l’étranger. C’est paradoxal et c’est dommage parce que là où on avait le plus de fans c’était en Russie et en Ukraine justement. On avait plus de fans là-bas qu’en France et on avait prévu d’y faire une tournée, mais elle a été annulée trois semaines avant la guerre. Et c’est aussi pour ça qu’on avait écrit Ka Ora parce que ça nous touchait de près, concrètement.

Art ‘N’Roll : Ça vous a inspiré?

Tristan : Exactement. Tout à fait. 

Art ‘N’Roll  : L’album est sorti  30 septembre ? 

Tristan : Alors, il y a eu, je pense, une coquille, il est sorti le 20 septembre. Il est dispo sur toutes les plateformes. Il y a un vinyle qu’on vend sur notre site et qui sera aussi en vente sur nos dates de concerts : le 4 octobre à Toulouse, le 17 octobre à Paris au Théâtre des Étoiles. Après, on continue la tournée, à Marseille, Cannes. On travaille sur d’autres dates, et en 2025, on aimerait aller jouer à l’étranger, c’est en cours. 

Art ‘N’Roll : Vous avez une poignée de fans et vous aller en ramasser d’autres avec ce nouvel album. 

Tristan : C’est l’idée ! De reconquérir ceux qu’on avait perdus, parce que quand tu fais une pause, on t’oublie. En plus, les moyens de communication changent avec les réseaux sociaux où il faut poster tout le temps, il faut être sur le devant de la scène. Sachant qu’il y a de plus en plus de groupes, ce n’est pas facile. Donc, effectivement, si on arrive à choper nos anciens fans, on sera contents et faire découvrir à d’autres personnes ce serait chouette. Je pense qu’avec cet album il y une chance de toucher plus de gens que la sphère métal, comme tu disais au début. Si ça peut plaire aux gens, tant mieux ! 

Art ‘N’Roll :  Un dernier mot à ajouter pour défendre l’album je te laisse la parole. 

Tristan : C’est gentil, merci. Cet album c’est le fruit de nouvelles rencontres de musiciens, on a intégré un quatrième membre qui a pleinement sa place dans la musique qu’il a exprimée avec ce synthé basse cet apport d’électro, cette épaisseur dans le bas du spectre. Enfin, on revient avec de la nouveauté avec un album qui se veut à la fois, pour ceux qui sont habitués – plus accessible – et pour ceux qui ne sont pas habitués – il y a…  …moyen de s’y mettre. On a hâte de retourner sur scène, ça fait longtemps. On fait une musique qui est extrême parce qu’on a besoin, nous-mêmes, d’exprimer des choses. Il y a des gens qui font des marathons, d’autres qui font de la boxe, il y a des gens qui font de la natation, nous on fait de la musique pour notre bien-être, sans quoi on ne serait pas bien dans notre vie. Donc hâte de se retrouver sur scène et de voir ce que ça va donner. 

Art ‘N’Roll : On a hâte aussi ! (Rires) Je te remercie Tristan et je te dis à bientôt. 

 

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