Art n’ Roll : Votre nouvel album, « Holiday in Guadalajara », s’inscrit dans la lignée de « Pink Panther Party », est-ce que vous pouvez nous le présenter ?
Punish Yourself (Vx) : C’est un album qui fait environ 127 minutes, c’est un beau bébé, il est né le… [Rires] Nan, on voulait faire un album de Dance, voire d’Euro-Dance, et puis finalement, c’est pas trop le cas… surement parce qu’on s’est beaucoup perdus en chemin, entre la conception et la finalisation. On voulait faire un truc assez direct, pas trop compliqué. On s’est permis quelques digressions, mais pas trop. Mais c’est vrai qu’on n’est pas revenus à un format trop boum-boum techno alors qu’au départ on était partis sur cette idée. Et puis on a déviés, on doit être trop vieux en fait !
AnR : Et du coup, combien de temps a duré l’enregistrement ? Comment ça s’est passé ?
Vx : Au total à peu près 2 ans. Ça a l’air long comme ça, c’est pas forcément court pour nous, mais ça nous est arrivés de passer plus de temps sur un disque. Et l’enregistrement, ça s’est passé comme on fait toujours : la plupart des groupes deviendraient fous s’ils faisaient comme nous. Au lieu de répéter les morceaux et puis aller en studio pour les enregistrer, nous on a tendance à enregistrer des bouts de machins, puis ensuite à les répéter et puis dire que ça va pas bien, puis à les re-enregistrer, et puis on enregistre les répèts et puis finalement la répèt’ elle est très, très bien alors on va la garder, on la refera à la fin, mais à la fin y a plus le temps… On n’a pas un fonctionnement vraiment… où on est en studio tel jour. On enregistre un peu tout et n’importe quoi n’importe comment et puis après on empile tout ça et on essaye d’enlever les trucs qui ne vont pas et de rajouter des trucs qui vont. Jusqu’ici ça fonctionne à peu près bien. Je crois qu’on a atteint les limites du système avec cet album. A la fin, on s’est retrouvés avec une espèce de mille-feuilles de sons, en se disant « Mais ça sert à quoi ça déjà ? Je ne comprends plus pourquoi on a mis tel son là ».
AnR : Mais vous en êtes fiers de cet album ?
Vx : Ah bah on est fiers de ne pas être morts ! C’est comme traverser le Pôle Nord : on n’est pas fier du Pôle Nord, on est fier de l’avoir traverser. Pour être franc, l’album, c’est pas tout à fait comme ça que je l’avais prévu. On m’aurait donné 2 ou 3 mois en plus, j’aurais vraiment pu finir à l’asile. Mais non, on m’a dit : « Tu vas finir dans le port avec des souliers en béton si tu ne finis pas l’album ! » .
Donc là j’ai compris qu’il n’y avait pas le choix. Mais oui à la fin, il y a pleins de choses qu’on ‘na pas pu boucler comme on aurait voulu. Mais voilà… fiers… il faut assumer tout ce qu’on fait dans la vie.
AnR : Il y a un morceau qui vous a inspiré plus que les autres ?
Vx : Oui il y a des morceaux qui sont venus beaucoup plus facilement que d’autres, certains, on a galéré un moment avant de trouver comment les prendre. Moi personnellement je suis très fier du dernier morceau, « Nagual Blues », un morceau qui ne ressemble pas vraiment à ce qu’on a fait jusqu’ici. On est contents quand on fait un morceau un peu différent de d’habitude. Il est peut-être un peu galère au début, mais franchement je suis assez content du résultat. Notamment le chant était torché en 2h, quasiment la veille du jour où il fallait rendre le mix, parce qu’il fallait absolument le terminer et encore 3 jours avant on ne savait pas vraiment ce qu’il y allait avoir comme paroles, comment le faire sonner et puis en fait ça s’est très bien goupillé tout seul. Je sais pas encore si on va essayer de le jouer sur scène. On est un peu prisonniers d’un système où le public veut des morceaux qui tapent et qui fassent boum-boum et quand on s’en écarte un peu, ça va plus.
Les gens sont habitués à ce qu’on les tienne par le col et dès qu’on les laisse aller, ça va plus.
AnR : Et vous êtes libres pour la composition des morceaux, le jeu de scène ou vous avez quand même des limites à ne pas franchir ?
Vx : Quand on enregistre on est totalement libres. Après, c’est au moment de se mettre à jouer les titres sur scène. Il y a des morceaux qu’on n’a jamais essayé de jouer. Déjà parce qu’on a tous des emplois du temps compliqués donc on ne peut pas répéter tous les jours 6 heures par jour comme les groupes qui démarrent. Ce qui fait qu’on fait plus vite à l’essentiel. Mais on a essayé de ne jamais se brider. Et après ce disque plus que jamais, je ne veux pas avoir à me poser la question : « Est-ce que ça va plaire ? ». Si on a envie de faire un truc, on le fait. Ça passe ou ça casse, mais voilà.
AnR : Là vous êtes en tournée, comment ça se passe ?
Vx : Oh ben nous on est en tournée permanente de toutes façons… Là ce soir, c’est la première date de tournée pour l’album. On n’a pas trop pu répéter, c’est un peu la merde d’ailleurs, s’il y a des trucs bizarres on saura d’où ça vient. A part ça, on n’a pas fait de changement radical. Ça fait un an qu’on prépare le truc, donc ce soir y a rien de vraiment nouveau dans la déco etc. On va plutôt continuer à faire évoluer… On n’a jamais été comme Maiden : alors telle année, c’est tel spectacle. Ah et puis cette année on va vous ressortir le Eddie de 1983 ! Nan nous c’est plus on rajoute des trucs à mesure qu’il y a des trucs qui se cassent…
AnR : C’est quoi les meilleurs et pires souvenirs de tournée ?
Vx : Alors pour moi un des pires souvenirs, c’était au Hellfest, le cauchemar absolu : j’avais oublié les paroles. Voilà. Mais un truc effrayant. Alzheimer. Plus je les oubliais, plus je bloquais là-dessus. Donc je n’ai aucun souvenir du concert à part essayer de me rappeler les paroles et sombrer petit à petit dans un marasme… Y compris sur des morceaux que normalement, je suis en pilotage automatique, je pourrais les chanter en dormant, y a pas de souci, mais là…. A la fin c’était un soulagement. Mes collègues s’en sont rendus compte en écoutant l’enregistrement, ça les a bien fait rire. Apparemment ça s’est pas trop entendu. J’avais l’impression qu’on me crucifiait. Donc ça c’est les mauvais souvenirs. Et les bons souvenirs, ben en général je ne m’en rappelle pas parce que j’ai trop bu alors… Si je m’en rappelle pas, c’est que ça doit être un bon souvenir !
AnR : Depuis le temps que vous tournez, vous prenez toujours autant de plaisir à jouer ? Il n’y a pas une certaine lassitude ?
Vx : Je dirais pas lassitude. Quand on démarre, on est plus ingénu, on donne tout et puis même si en face ça réagit pas, on est content. Généralement, même si on n’a pas été très bon, on est satisfait. Alors que plus on joue… En fait je crois qu’il y a les 2 : il y a des groupes qui jouent de moins en moins bien, mais qui sont de plus en plus satisfaits de ce qu’ils font, et nous, je ne sais pas si on joue moins bien ou mieux, mais on a tendance à être de plus en plus insatisfaits de ce que ça peut donner. Parce que quand tu as des grands souvenirs de soirées folles, ben tu voudrais que ce soit à chaque fois le même truc et quand ça n’est pas le cas, c’est rageant. C’est de l’insatisfaction. C’est comme aller à une fête et pas s’amuser, c’est pas drôle. Ca n’empêche pas de revenir à une prochaine fête.
Il y a des groupes qui finissent par se lasser parce que la vie en tournée… je peux comprendre. Mais par rapport à la scène, non moi j’ai toujours autant envie d’y aller, au contraire, mais c’est plus rare d’en sortir en se disant « Ouais !! C’était bien, c’était cool !! »
AnR : Vous créez vos personnages (avec la peinture, etc…) en combien de temps ? Et comment ça vous est venu ?
Vx : Ca nous prend une heure environ. On se fixe une heure, avant on mettait un peu plus de temps. Ca par contre, il y a peut-être une lassitude, de se maquiller tout ça… Mais ça c’est venu assez vite. On a commencé en 96, en 97 ça commençait déjà… Mais quand on a commencé c’est devenu tellement indissociable du groupe qu’on ne s’est jamais posé la question d’arrêter. Ça nous est arrivé de jouer en plein jour mais on s’est quand même maquillés même s’il n’y avait pas la lumière noire. Le choix, ben c’est venu en partie de la musique qu’on écoute, et puis on voulait faire un truc un peu spectaculaire. On a essayé ce genre de maquillage un peu par hasard. On imaginait même pas que ça pouvait donner un truc qui pouvait marcher aussi bien. Donc on l’a gardé et on continue, c’est pas pour le plaisir de se maquiller.
AnR : En prenant un peu de recul sur votre carrière, est-ce que vous auriez imaginé avoir autant de succès ?
Vx : Pas du tout.
AnR : Est-ce que vous êtes satisfaits ?
Vx : Oui, quand on a démarré, on n’imaginait même pas être payés pour faire de la musique un jour. En vivre, ça aurait été une plaisanterie. C’était même pas un objectif au départ et ça l’est devenu très tard. C’est des gens qui sont venus nous dire « Mais attendez, avec ce que vous faites, vous devriez vous faire payer un peu plus ». Même enregistrer un album, c’était un rêve. Je suis plutôt assez fier.
AnR : Vous avez un univers assez particulier, pourquoi cet univers-là ?
Vx : On n’a jamais réfléchi au truc. C’est un peu comme le Pop Art. J’aime bien faire la comparaison : quand on demandait à Basquiat pourquoi, comment, il expliquait pas. Et quand il expliquait c’était pas forcément compréhensible alors qu’il y avait quand même un cheminement qui se faisait dans sa tête. De façon inconsciente, il laissait s’exprimer… et nous c’est un peu pareil : on n’a pas réfléchi à ce qu’on devait mettre : on ouvre les tiroirs et hop on choisit ce qu’on aime. Ça peut être des musiques, des peintures… On n’est pas très cérébraux on va dire. En tous cas pas avant. Curieusement, une fois qu’on a fait les choses, on se rend compte qu’il y a des trucs qui se mettent en place, des correspondances auxquelles on n’avait pas pensé et ça permet de rebondir pour construire l’univers un peu plus loin, rajouter d’autres références. C’est un peu un grand collage, on continue à rajouter des couches au fur et à mesure. Il n’y a pas de réflexion conceptuelle avant. On m’a demandé 2 fois si le nouvel album était un concept album. J’ai répondu : « Un concept-album ? Vous voulez dure une histoire, avec un type qui se lève le matin et qui raconte toute sa journée en musique ? Nan, nan, nan ! »
AnR : Vous évoluez dans le monde du fétichisme, c’est uniquement pour l’image sur scène ou pas ?
Vx : C’est un peu par hasard qu’on s’est retrouvés associés au milieu fétish, à cause du nom du groupe. Au départ on n’avait pas de nom, c’était le nom d’un morceau. Notre 1er batteur, le créateur du groupe qui avait trouvé ce titre, ça sonnait bien. A l’époque où on trainait vraiment dans le milieu batcave où le fétichisme était assez présent, mais c’était de l’ordre du folklore plus que d’une vraie pratique. Donc on faisait des affiches avec des gens bâillonnés. Mais on n’était pas vraiment dans les soirées bondage, mais c’était l’imagerie qui allait avec, et une imagerie qu’on a toujours pris avec beaucoup d’humour et c’est devenu un peu plus 1er degré. Et nous on s’est retrouvés associés à ça un peu par hasard…
AnR : Et ça vous plait ?
Vx : Ah ouais ouais ! On n’est pas des pratiquants passionnés du bondage mais y a aucun souci avec ça. On a joué dans des soirées où des gens se faisaient tenir en laisse, c’était assez drôle.
AnR : Et là pour le concert, comment vous avez sélectionné les titres de la setlist ?
Vx : Généralement dans ces cas-là, on calcule le nombre d’anciens morceaux qu’il faut enlever, chacun note sur un papier ceux dont il a vraiment marre puis on fait une réunion d’environ 10 minutes. Bon qui en a marre de celui-ci puis on fait des votes à mains levées. Le plus compliqué en fait c’est de faire un ordre après… Si on mettait celui-là ici ? Ah non plutôt là. Faut essayer, puis on joue trente-six combinaison différente, à la fin on ne se rappelle plus laquelle était la meilleure, on recommence. Après ça ne nous a jamais gênés de virer des morceaux même si ce sont des morceaux phares, quitte à les remettre plus tard. On essaie qu’il y en ai pour tout le monde, tous les gouts. Puis nous aussi, y a des morceaux on les joues depuis tellement longtemps… C’est un peu comme des charentaises, on est bien dedans mais à un moment donné on est content de les faire aérés. Mais on essaie de laisser un peu de tout.
AnR : Et hormis Punish vous avez d’autres projets artistiques ? Le bal des enragés, le studio…
Vx : Le bal des enragés c’est un peu la récréation… C’est la colonie de vacances. A côté de ça, Xav le batteur et moi on fait pas mal de trucs. Lui il joue dans je ne sais plus combien de groupes… Là il part avec MOPA en Chine pour une tournée de trois semaines faire un remplacement, on a tous les deux un groupe de jazz avec un saxophoniste et un contrebassiste. Il fait aussi du jazz avec d’autres personnes. A un moment donné je crois que si on faisait le compte des projets on était monté jusqu’à 15 à nous deux. Ça a un peu baissé depuis car à des moments ça devenait ingérable pour caler des dates donc on a un peu élagué. Mais oui, on est pas du genre à rester que sur un seul truc.
AnR : Un dernier mot pour clore l’interview ?
Vx : Alors, travaillez bien à l’école… Ah non, ça c’est Mass Hysteria. Ou Sidilarsen… Non, c’est pas vrai Sidi ils étaient mauvais à l’école… Non, ils étaient bons en fait. Avant généralement je changeais de dernier mot tous les ans… On va revenir en arrière, ça va être frigidaire, mon dernier mot c’est frigidaire pour la bière.
AnR : Ok, bah on te remercie beaucoup et bon concert !
Vx : De rien, merci et à la prochaine !