Art’N Roll: C’est la toute première fois qu’on vous interviewe chez ANR ! J’ai lu que votre nom, Alta Rossa, fait référence à une alerte rouge. Pouvez-vous brièvement nous présenter le groupe, fondé en 2020 ?
Alta Rossa est né en 2020 avec une envie claire : explorer des univers sombres et intenses, autant dans la musique que dans les thématiques abordées. Le nom évoque une alerte rouge, même si littéralement cela ne veut pas dire grand-chose, c’est une urgence presque viscérale de s’exprimer et de proposer quelque chose de puissant, mais aussi de réfléchi.
Notre musique mêle des influences Sludge, Doom, Post allant jusqu’à des touches de black.
Le tout mêlé à des textes qui interrogent la condition humaine dans une vision individuelle et collective sur des thématiques précises.
ANR: Vos textes et musiques sont assez sombres. Est-ce que ça ne devient pas de plus en plus difficile pour vous de choisir vos sujets à explorer ?
Pas vraiment, car le monde ne manque pas de sources d’inspiration, bonnes ou mauvaises. Nous explorons des thèmes universels et intemporels comme le pouvoir, la mort, ou les luttes intérieures. Ça peut paraitre assez banal pour un groupe de Metal mais ce sont des sujets qui nous touchent profondément. C’est probablement lié à notre existence aussi, on ne vient pas de familles nobles ou bourgeoises, on n’est pas patron d’entreprises avec des problèmes de dividendes ou je ne sais pas quelles autres stupidités. Nous sommes impactés par des choses, nos proches autour de nous aussi, des fois plus que nous, des fois avec des problématiques que l’on ne peut pas comprendre, etc… Alta Rossa, c’est aussi un moyen pour nous de nourrir nos connaissances et de les digérer dans nos morceaux.
Ce qui change, c’est notre manière de les aborder : on cherche à les déconstruire pour offrir notre regard sincère. Pour nous, le « sombre » est un outil parmi d’autres.
ANR: Parlons de votre single, « The Art of Tyrant« . Ce morceau aborde les thèmes du pouvoir et de la domination. Qu’est-ce qui vous a poussé à traiter ce sujet?
The Art of Tyrant est né de notre réflexion sur les dynamiques de domination, qu’elles soient politiques, artistiques ou personnelles. Ce qui nous intéressait, c’était d’explorer les mécanismes du pouvoir, mais aussi les voix écrasées ou étouffées par ces figures dominantes. On voulait créer un contraste entre l’autorité écrasante et la révolte qui gronde (presque) en silence. Il suffit juste d’écouter un peu plus et un peu mieux le monde qui nous entoure.
ANR: Dora Maar, figure marquante de « The Art of Tyrant« , a inspiré ce single. Comment sa vie et sa relation avec Picasso ont-elles influencé l’écriture de ce titre ?
Dora Maar était une femme brillante, artiste à part entière, qui a été en partie effacée par l’ombre de Picasso, mais comme beaucoup d’autres femmes. Cette relation est un parfait exemple de domination dans l’art et dans l’intimité. The Art of Tyrant s’inspire de cette dualité : l’éclat d’un génie, mais aussi la souffrance et la puissance de ceux qu’il a dominés.
Dora Maar nous rappelle l’importance de redonner une voix à ces figures oubliées.
La principale inspiration vient d’un podcast qui s’appelle « Venus s’épilait elle la chatte ? » présenté par Julie Bauzac & Sophie Chauveau. C’est une clef de lecture pour comprendre en partie le texte du morceau. Une clef, car le texte prend une orientation beaucoup plus généraliste que Picasso.
ANR : La voix de Laurie Cassus apporte une intensité particulière à « The Art of Tyrant« . Pourquoi l’avoir choisi et qu’a-t-elle ajouté, selon vous, à l’atmosphère ou au message de ce morceau ?
Collaborer avec Laurie Cassus (Lauve) était une évidence. Sa voix, à la fois puissante et vulnérable, ajoutait une nouvelle dimension au morceau. On voulait soutenir des mouvements comme More Women On Stage, mais aussi inclure une sensibilité différente à l’univers d’Alta Rossa. Elle a sublimé le contraste entre fragilité et force dans The Art of Tyrant.
ANR: Le titre de votre album, « A Defiant Cure« , est assez contradictoire : un remède qui défie ou refuse. Comment avez-vous trouvé ce titre ? Qu’est-ce qu’il représente pour vous ?
A Defiant Cure symbolise une révolte contre les illusions confortables. C’est un remède pour ceux qui refusent le nihilisme passif, un cri pour embrasser le réel dans toute sa complexité, sans chercher à le fuir par des idéaux. Ce titre reflète à la fois une lutte et une forme de guérison, dans un équilibre toujours précaire.
Nous ne sommes pas partis dans un délire antivax haha, au contraire même. On évoque plutôt métaphoriquement le traitement de plusieurs maux de notre société complexe (climato négationnisme, racisme, sexisme, libéralisme, etc…) par l’engagement individuel ET collectif, pas l’un sans l’autre. Il y a presque une thématique dans chaque morceau finalement.
Pour nous, il s’agit de quelque chose de cathartique, nous sommes très portés par l’art, le cinéma, la musique, etc…ca transpire dans notre musique.
ANR : En dehors des thèmes du pouvoir et de la tyrannie, quels sont les autres sujets abordés dans cet album ? Y a-t-il des liens entre les morceaux ?
L’album explore des thématiques comme le nihilisme, la lutte contre l’évasion morale, et l’interprétation du réel. Chaque morceau est une facette différente de cette quête de sens.
Ils se connectent par une volonté commune de faire face à la réalité, sans artifice, et d’explorer ce qui pourrait être un remède.
Le titre Fields Of Solar Flames évoque donc un monde utopique mais en miroir des visions postapocalyptiques que l’on nous sert en permanence. Est-ce que l’on peut voir le futur, la science- fiction, comme quelque chose de positif et finalement de frontalement moteur dans nos décisions. Exalted Funeral ou From This Day On sont des morceaux très axés sur cet individualisme qui alimente une effervescence collective. Ce n’est pas l’égoïsme qui l’emporte.
ANR: Parlons de la pochette et de l’esthétique visuelle. On y découvre un minotaure, une figure mythologique puissante. Le minotaure est également mentionné dans « The Art of Tyrant« . Pourquoi avoir choisi ce symbole pour représenter l’album ? Qu’incarne-t-il pour vous ?
Le minotaure symbolise un paradoxe universel : celui de la force brute enfermée dans ses propres limites. Créature hybride, mi-homme mi-bête, il est le reflet d’une dualité profonde : un être puissant mais prisonnier, à la fois victime d’un destin imposé et bourreau de ceux qui pénètrent son labyrinthe. Dans ce sens, il est une figure cathartique, une invitation à défier nos limites et à embrasser notre dualité pour mieux avancer. C’est une force brute qui, lorsqu’elle se libère de son enfermement, devient une énergie de transformation. C’est cette idée de lutte et d’émergence qui résonne dans notre album, tant dans la musique que dans les paroles.
C’est aussi par le minotaure que se représentait Picasso dans ses œuvres et cela nous semblait intéressant de mettre en avant cette figure pour une thématique plus globale. Tu retrouves le triptyque central autour du minotaure avec les titres Dédale et Where We Drown Our Nightmares qui sont un peu l’avant et l’après, le devoir de mémoire sur ce que nous sommes où pourrions devenir. On est heureux d’avoir pu travailler avec Simon Chognot pour cette superbe pochette.
ANR: Parlons maintenant du processus de création. Comment s’est déroulée la conception de cet album ?
C’est un processus assez similaire à celui de notre premier album. Nous commençons par composer des démos instrumentales sur ordinateur, puis nous les affinons ensemble lors des répétitions. En apprenant les structures des morceaux, chacun apporte des modifications et des arrangements. Certains titres étaient déjà écrits au moment de la sortie de Void Of An Era, mais nous les avons retravaillés pour leur trouver une place sur A Defiant Cure.
Comme pour VOAE, certains textes ont été écrits avant même la composition musicale. Il y a un véritable plaisir dans l’écriture, la recherche et l’élaboration des idées. Nous aimons raconter des histoires porteuses de sens et intégrer une forme de poésie dans nos paroles.
Cette démarche enrichit non seulement la narration, mais guide aussi la composition musicale de nos morceaux.
Pour notre premier album, nous n’avions pas vraiment prêté attention à des détails techniques comme l’accordage de la batterie, la gestion des effets, le choix des peaux de batterie ou des enceintes pour nos baffles. Cet album reflète ce que nous étions à ce moment-là—il sonne comme il sonne, et même si aujourd’hui nous ferions différemment, nous en sommes toujours fiers. Cette fois, avec Thomas Fournier, nous avons pu aller plus loin : prendre le temps d’expérimenter, de tester, et de faire des choix réfléchis pour affiner chaque détail.
Pour le mixage et le mastering, ses premières propositions ont tout de suite fait écho à ce que nous recherchions. Thomas est quelqu’un qui écoute, qui accorde une attention minutieuse aux détails, et qui prend le temps d’expliquer pourquoi telle ou telle approche fonctionne, avec une précision presque scientifique.
ANR: Pour finir, quels sont vos projets à venir ? Des concerts, de nouvelles sorties, ou d’autres surprises en préparation ?
Nous sommes bien évidemment en train de préparer comme il se doit la sortie de A Defiant Cure, chez
nous à La Rodia à Besançon. On prépare aussi avec nos amis de Proudhon une petite tournée de SMAC dans le cadre de Besac City Metal porté par la Rodia et nous devrions aussi être de la partie pour le Warm-up Hellfest.
On a commencé à bosser sur le booking pour tout 2025. On annonce ca dès que c’est prêt !
En parallèle, on commence doucement à bosser de nouveaux morceaux mais la priorité reste de défendre un maximum notre nouvel album pour au moins les 2 ans à venir.