Auteur : Hangman’s Chair
Titre : Saddiction
Label : Nuclear Blast Records
Sortie le : 14 février 2025
Note : 16/20
« Tel temps le jour de Saint-Valentin, Tel temps au printemps qui vient ». Heureusement que l’hirondelle Hangman’s Chair ne fait pas le printemps, sinon celui-ci risquerait à première vue d’être assez frisquet voire maussade. Le septième album des quatre Essonniens sludge / stoner est publié ce 14 février 2025 chez les Allemands de Nuclear Blast Records. Ils ont intitulé celui-ci « Saddiction », soit « la contraction des deux mots, tristesse et addiction » (Source : leur communiqué de presse de novembre dernier). Tout un programme. Gageons que leur ami le Professeur Karila ne manquera pas de nous éclairer quant à cette addiction, cette affliction chronique et délibérée.
La pupille de l’observateur est immédiatement attirée par cette intrigante pochette, ténébreuse et lumineuse à la fois. Une barre HLM de plus de vingt étages la nuit. Certains appartements sont allumés, d’autres non. Les appartements allumés forment le titre de cet album studio. Outre quelques paraboles, un néon rougeoyant, de type publicitaire, est installé sur le toit. Situé à gauche et de taille modeste au regard du grand ensemble ainsi que de l’immense intitulé, il porte le nom du groupe. Les références à la banlieue, à la poésie urbaine, se font depuis des lustres rares dans la culture rock française. Il est en effet bien loin le temps des bandes dessinées de Franck Margerin et de Tramber et Jano. Elle est également très loin désormais l’époque du Belleville d’Eddy Mitchell (dont Cubi, le chanteur-guitariste d’Hangman’s Chair est fan). Cet artwork signé Jean « Valnoir » Simoulin (Paradise Lost, Watain, Alcest ou encore Blut aus Nord) effectue un rappel (semble-t-il délibéré ?) à celui de Banlieue triste, le pénultième LP d’Hangman’s Chair paru en 2018.
Pourtant, ce Saddiction se revendique davantage de son prédécesseur direct. Et pour cause : « Le septième album du groupe est pour nous le deuxième album de la nouvelle trilogie commencée avec « A Loner » en 2022, et il en est la suite logique » (Dixit le communiqué précité). Musicalement, l’objectif est atteint. On n’observe que très peu de changement dans la continuité, et les fans de la bande à Cubi en seront ravis. Cette dernière a une fois encore fait appel à Francis Caste, le maître des studios Sainte-Marthe de Belleville (le producteur de tout le gratin du metal français et assimilé, et plus récemment de nos amis bruxellois de My Diligence). L’auditeur accoutumé retrouvera ainsi les grattements haletants sur les cordes graves des deux guitares, les descentes instrumentales abyssales, les arpèges indie parfois proches des premiers Cure, la lourdeur pachydermique des rythmes mid-tempo, les ambiances shoegaze, le référentiel arty, et surtout cette voix, à la fois juvénile et mature, anxieuse et décontractée, tantôt plaintive tantôt extatique.
Oui, car il convient de dépasser les apparences. En réalité, Hangman’s Chair n’est pas un groupe strictement dépressif, complaisamment lugubre ou gothique. Sa musique est certes pesante, mais elle laisse tout de même percer de la luminosité. Elle offre même un contraste permanent entre le sombre et le lumineux, c’est probablement ce que souhaite résumer la couverture de ce nouveau disque. La clarté de la voix de Cubi permet de générer ce contraste. C’est d’ailleurs un vrai plaisir de retrouver celle-ci sur « To Know The Night », « The Worst is Yet To Come » et « In Disguise », des compositions où la mélancolie côtoie l’extase. « Kowloon Lights » relate une promenade lors d’une nuit sans lune dans les rues de Hong-Kong, au milieu de barres de l’autre bout du monde, sous les regards de gens planqués derrières leurs fenêtres. Archétypale du style Hangman’s Chair, la chanson « 2 AM Thoughts » évoque les tourments nocturnes. Elle a été enregistrée avec leur ami Raven van Dorst, le chanteur de DOOL, formation batave avec laquelle ils étaient en tournée à l’automne dernier. D’autre part, et surtout, un soin particulier a été apporté aux harmonies vocales. Comme aux meilleures heures d’Alice in Chains ou de King’s X, les efforts du chanteur se marient harmonieusement avec les chœurs de ses comparses (sur « Healed » par exemple). L’union du vocal et de l’instrumental formant plus globalement un ensemble musical très cohérent. Un très bon disque de stoner contemporain, urbain mais contemplatif.