Auteur : Amon Sethis
Titre : Part 3: Dawn of an Apocalyptic World
Label : Seasons of Mist
Sortie le : 21 février 2025
Note : 16/20
Amon Sethis est de retour à l’occasion d’un quatrième album studio, que j’ai présentement le plaisir de chroniquer avec un t-shirt de Nile sur le dos. Coïncidence ? Je ne crois pas. D’une part, parce que je porte souvent mon t-shirt The Underworld Awaits Us All de Nile ces jours-ci. Surtout, parce que l’Égypte ancienne a de tous temps fasciné et inspiré les rêveurs, les penseurs, les symbolistes, les savants, les artistes, et que le petit monde du metal toutes obédiences confondues n’a aucune raison de faire exception à cet immuable principe. De l’intégrale de Nile justement, à « Tutankhamen » par Nightwish, de Mercyful Fate à Septicflesh, de Born of Osiris à la guitariste Sonia « Anubis » Nusselder, sans oublier bien évidemment Powerslave d’Iron Maiden, nombreux sont les musiciens metal qui ont puisé leur inspiration au delta antique du plus long fleuve d’Afrique.
À l’instar de Nile, Amon Sethis est un groupe thématique entièrement basé sur l’Égypte pharaonique. Créé il y a dix-huit ans, ce quintet de power prog symphonique originaire de Grenoble a qui plus est développé un narratif intégralement concentré sur une courte période de cet étendu pan de l’histoire humaine. Celle de la 7ème dynastie égyptienne, une instable lignée d’environ neuf pharaons qui règna aux environs du XXIIe siècle avant le Christ. Cette parenthèse politique houleuse nous est méconnue faute de vestiges en nombre suffisant, et les égyptologues ont en conséquence tendance à négliger son étude : « On n’a aucune trace historique de cette fameuse dynastie égyptienne, et j’ai voulu partir de cette pseudo-légende pour que Amon Sethis raconte son histoire qui est restée vierge » (Source : interview Soil Chronicles, 2013).
Part I: The Prophecy et Part 2: The Final Struggle, respectivement sortis en 2011 et 2014, imaginaient les existences d’Ateravis alias « The Commander » et d’Amon Sethis, les fictifs enfants de la reine Nitocris qui s’affrontèrent dans un duel fratricide inventé de toutes pièces. Part 0: The Queen with Golden Hair de 2020, était un « prequel » (d’où la numérotation) portant sur la toute aussi imaginaire Nitocris. Cette option conceptuelle pour le moins singulière n’est nullement le fruit du hasard. Julien Tournoud, le chanteur d’Amon Sethis, est en effet détenteur d’une licence d’histoire, est (évidemment) passionné par l’Antiquité, a appris neuf années durant le latin, et connaît même les rudiments du langage égyptien primitif. Cet auteur-co-compositeur-interprète aime établir des parallèles entre sa période de prédilection et la nôtre, notamment pour ce qui relève de l’instabilité politique ou des catastrophes naturelles, prouvant que l’être humain n’a pas fondamentalement évolué en trois millénaires : « Ce qui aurait pu se produire pendant la 7ème dynastie se produit de nos jours, même si le contexte historique est très différent ! » (Source : interview Loud Tv, 2025). Ce 21 février, le label Seasons of Mist commercialisera donc Part 3: Dawn of an Apocalyptic World, le quatrième tome de cette saga historico-fantasmagorique.
Musicalement, le quintet (un chanteur, un clavier, un guitariste, une bassiste et un batteur) rhônalpin revendique sur son Bandcamp et sur le dossier presse une filiation avec Symphony’s X et Dream Theater. Tu m’aurais dit Eyehategod ou Crowbar, je ne t’aurais pas cru. La publication de Part 3: Dawn of an Apocalyptic World a été précédée il y a deux mois par celle du simple « At the Threshold of Doom ». Ce qui m’a permis de découvrir Amon Sethis. Dans ce clip filmé dans une crypte égyptienne, Julien Tournoud m’est apparu tel un mélange entre Tom Novembre (le physique) et Eddie Vedder (les mimiques) sobrement vêtu de noir, un œil de Râ maquillé sur la partie droite de son visage. Le chant occupe visiblement une place prépondérante. C’est du metal prog lyrique, narratif, presque déclamatif. L’atmosphère est romantique, romanesque, il y a quelque chose de Therion en plus sombre, en moins démonstratif. Le tempo est lent, pesant et les instrumentistes sont techniques, œuvrant en parfaite cohésion. Le mix et le mastering ont été réalisés par Simone Mularoni au Domination Studio à l’automne dernier, et la production m’a l’air de stature internationale.
Impression confirmée par les neuf autres titres de ce disque. Il s’ouvre sur l’instrumental cinétique « Dawn of an Apocalyptic World ». De fines notes au synthé, bientôt rejointes par des cordes puis une majestueuse chorale symphonique, une entame qui pourrait parfaitement seoir au prochain Epica. Ou à une nouvelle version, soixante trois ans après, du film Lawrence d’Arabie. Il dure 2 minutes 33, c’est copieux pour un instru introductif. Mais il faut remarquer que la quasi-totalité des pistes dépassent les cinq minutes. À commencer par « Lamentations », la seconde d’entre-elles. Laquelle me fait penser, si l’on fait abstraction du chant, à du Delain période Moonbathers. Car les vocalises de Julien sont aiguës, heavy metal, que ce soit sur ce morceau ou sur « The Curse of Râ » le suivant. Plus ralenti, et dirigé par les toms de Seb, « The Red Crown » vient varier les schémas et ambiances. Tout comme le piano presque woogie boogie et la basse néo-metal à l’entame de « Lord of the Dark Waters ». J’aime beaucoup le mélange avec ce metal prog carré, ces pas de côté. « The Rise of the Tyran » vient nous rappeler la trame politico-historique dans laquelle prend place l’œuvre d’Amon Sethis, tandis que « Kubatalawa » accueille leur ami musicien Najib Maftah. La musique orientale, nous le savons, se marie parfaitement avec les structures métalliques. Le théâtral et pessimiste « There’s No Light Into Darkness » clôt ce quatrième tome égyptocentré. Sachez enfin qu’une version double compact-disc « Gold » contient cinq versions orchestrales et trois acoustiques : deux de ce nouvel opus et une de Part 0: The Queen with Golden Hair. Ma préférence va à cette dernière, la splendide « Osiris God of the Dead », une supplique inspirée et habitée. En bref, un travail plaisant, tiré au cordeau dans le fond comme en la forme. Jetez donc un œil (de Râ) à cette création originale française.