HOT on the rocks!

Whitechapel – Hymns in Dissonance

dimanche/02/03/2025
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Auteur : Whitechapel

Titre : Hymns in Dissonance

Label : Metal Blade Records

Sortie le : 7 mars 2025

Note : 16/20

 

Whitechapel. Une référence à Jack l’Éventreur. Un nom qui claque. Tout comme claquent les dix intitulés de ces « hymnes de la dissonance », formant le nouvel album du sextuor originaire de Knoxville, Tennessee. Il n’y a pas à tergiverser, ces deathcoreux savent soigner la forme. Les photos-presse sont signées d’Alex Morgan. Les prénom et patronyme attirent immédiatement mon attention, car ce sont ceux d’une célèbre joueuse de soccer deux fois championne du monde avec les USA, dont la plastique et l’incroyable glamour sont entrés dans la légende. Bien qu’Alex Morgan ait pris sa retraite en septembre dernier dans sa trente-sixième année, ce n’est pas elle qui a pris Whitechapel en photo. J’ai vérifié. Outre une passion pour les faucons en milieu sauvage, cet Alex Morgan Imaging a œuvré pour des institutions, associations et sociétés de l’Indiana, ainsi que pour Gojira, Cannibal Corpse (une des influences revendiquées par Whitechapel), Metal Hammer Magazine, Century Media Records, Roadrunner Records, et enfin pour Metal Blade Records, qui commercialise le 7 mars prochain leur neuvième concentré de brutalité.

L’intitulé consiste en un oxymore. Comme l’expose le chanteur Phil Bozeman : « Les hymnes sont mélodieux et harmonieux. La dissonance est le contraire de la mélodie et de l’harmonie. » Simple et éloquent. Sur le plan musical, le guitariste Alex Wade avait prévenu d’un net durcissement : « Nous avons essayé d’écrire notre album le plus lourd à ce jour. Nous voulions sortir quelque chose qui était choquant, menaçant et brutal. » Ajoutant pour ce qui relève du narratif : « L’album suit l’histoire d’un gourou qui rassemble des gens qu’il juge dignes pour rejoindre sa secte. » Ça promet. Quant à l’énigmatique couverture, elle a été dessinée par le tatoueur hongrois Robert Borbás, qui a également réalisé celles de Benighted, Kreator (il y aurait effectivement comme une parenté avec l’artwork de Gods of Violence, même si je n’ai pas de certitude…), Suicide Silence et Thy Art is Murder.

Wade, Bozeman et les leurs se sont livrés à un ordo ab chao : « Les pistes 3 à 10 du disque sont les hymnes, qui représentent les sept péchés capitaux. Les pistes 1 et 2 constituent l’introduction. » L’association des deux mots « Prisoner 666 », symboliserait comme un retour aux sources du metal. Une introduction abyssale et cinétique prépare méthodiquement l’ouverture des hostilités. Lesquelles vous explosent à la gueule à 01:19 minutes. Passant du grave à l’aigu comme l’on tombe de Charybde en Scylla, Phil Bozeman donne tout ce qu’il peut façon Randy Blythe ou Phil Anselmo dans ses pires moments. Cathartique. Les guitares crissantes renforcent une ambiance tant carnassière qu’industrielle. Viande crue et metal froid. Deuxième piste, et deuxième extrait publié le mois dernier, « Hymns In Dissonance » s’avère d’une violence inouïe. Cette fois, les six de Knoxville font corps sur des rythmes syncopés, alternés avec des accords ultra-lourds, le tout à une vitesse d’exécution dépassant l’entendement. Un nombre incalculable de séquences se succèdent sur fond de growls et de hurlements. Une seule obsession : changer de rythme et de riff, tout le temps, toujours. M’est avis qu’il faudra à ces instrumentistes un maximum de concentration et de précision afin de restituer fidèlement live cet enchaînement fulgurant de figures de styles antinomiques. « Death metal, black metal, speed metal, etc. Je crois vraiment que tes racines te rappellent à un moment de ta vie, et c’est ce moment dans ma vie » philosophait le chanteur. Effectivement, tout à été mélangé, amalgamé et synthétisé en même pas 05:05 minutes… La production est de Zach Householder, l’autre guitariste du groupe. Son rendu est impressionnant, garantissant un équilibre entre le collectif et l’individuel qui n’était pas gagné d’avance.

Identifier à quel péché capital (« Deadly Sin ») correspond chacune des huit pistes suivantes relève du très difficile. Sur le plan théologique, l’ordre retenu vers 1266 par Saint-Thomas d’Aquin (l’orgueil, l’avarice, la luxure, l’envie, la gourmandise, la colère et la paresse) n’est probablement plus celui des protestantismes évangélique et traditionnel baignant la culture tennesséenne. Voyons voir… La troisième piste, « Diabolic Slumber » (« Sommeil diabolique »), fait à première vue référence à une superstition issue de la culture blues, qui désignerait le péché de paresse. Ce morceau acéré et angoissant est à la limite du grind. Harassant. Les paroles d’« A Visceral Retch » (« Blasphemous, gluttonous / The belly begs for a moment’s rest / Quick to reject, we still ingest / As the withered hole pleads to eject ») imagent sans nul doute le péché de gourmandise. Mais en bien crado. À propos de ce premier simple sorti l’automne dernier, Bozeman constate : « Je ne peux pas expliquer à quel point cette satanée chanson est absolument brutale. » Moi non plus. « Hate Cult Ritual » se refère à la colère, mais aussi semble-t-il aux cas de Satanic ritual abuse (SRA) qui se sont répandus comme une traînée de poudre dans l’Amérique des années Reagan. Se refère à la colère, et l’illustre parfaitement. Le bien nommé « Bedlam » (« chahut ») se balade quant à lui dans les graves. « Mammoth God » effectue un emprunt confusionniste à Donjons et dragons. « Mammoth The Prideful » désigne dans ce jeu le sixième seigneur du royaume de Baator. Cette avant-dernière piste symboliserait donc l’orgueil, l’hubris grec considéré dans la Bible comme le pire de tous. Un morceau solidement charpenté, au sein duquel se fondent roulements de batteries, mur de guitares, et vociférations craspecs tantôt gutturales tantôt BM. Il sera ardu de faire plus violent. Cet impressionnant maelstrom sonore prend fin avec l’élancé (06:26) « Nothing Is Coming For Any Of Us », aéré par une longue plage instrumentale à la fois intense, aérienne, et bienvenue.

Malsain, brutal, maîtrisé, seraient les trois maîtres-mots d’Hymns in Dissonance. Un album excellemment manufacturé et dépourvu de temps-mort. De répit. Une plongée auditive dans l’Amérique post-industrielle la plus glauque et ravagée. Celle à la laideur inquiétante, des dérives sectaires, des faits-divers et de la violence gratuite. À recommander aux fanatiques du genre, ceux qui avaient notamment apprécié il y a quelques mois le dernier Carnifex. Les curieux y trouveront également leur compte. Si pour l’instant aucune tournée européenne n’est à l’horizon, les équarrisseurs de Whitechapel précéderont toutefois Jinjer sur la scène de l’Altar dans la soirée du jeudi 19 juin. Bon courage Tatiana.

 

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