HOT on the rocks!

Spiritbox – Tsunami Sea

mercredi/05/03/2025
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Auteur : Spiritbox

Titre : Tsunami Sea

Label : Rise Records

Sortie le : 7 mars 2025

Note : 18/20

 

Courtney LaPlante aura marqué cette première moitié de décennie. Un prénom, un visage, une silhouette, une voix, une sensibilité à fleur de peau, un premier album paru en 2021. Une explosion, une promesse et déjà un classique. Peu d’efforts inauguraux parviennent à colorer musicalement une entame de décade. Eternal Blue de Spiritbox aura marqué celle des années 2020 au fer bleu, grâce à des chansons mémorables et magnifiques telles « Sun Killer », « Hurt You », « Secret Garden », « Holy Roller » et « Circle with Me ». Un indice qui ne dupe guère : la qualification du genre musical auxquel appartient cette jeune formation canado-américaine varie en fonction des opinions (« heavy metal », « metalcore », « post-metal », « metal progressif », « alt-metal », « djent », et même « djent / pop » selon le webzine COREandCO), ce qui signifie simplement que celle-ci est unique en son genre. Courtney et les siens ont amalgamé nombre de styles apparus au vingt-et-unième siècle, et nous proposent en retour une grille de lecture personnelle, originale. Spiritbox a été intronisé chef de file d’un nouveau mouvement, dit de metal « contemporain », englobant de jeunes artistes à travers le monde tels VEXED, Ankor ou Future Palace. Quatre années se sont écoulées. Puis est venu le temps du toujours difficile deuxième (ou « second » si ça se passe vraiment mal) album.

La publication de Tsunami Sea a été annoncée le 18 novembre dernier pour ce 7 mars. Du changement dans la continuité : au bleu éternel succède une mer incontrôlable et dévastatrice. Entre-temps, le groupe aura été nominé en janvier aux Grammys (en compétition avec Metallica, Judas Priest et Gojira), et nous aura dévoilé quatre extraits. Trois en fait, puisque « Crystal Roses » est apparu le 3 mars sur les plates-formes, puis en a disparu quelques heures plus tard. Courtney ayant piqué une grosse colère sur X, déplorant n’avoir été consultée quant à cette ultime commercialisation. Ces trois simples partis en éclaireurs furent : « Soft Spine », qui contrairement à ce qu’indique son intitulé durcit le ton ; « Perfect Soul », une pop glamour avec un son des plus mastocs ; « No Loss, No Love », un metalcore abrasif incrusté de menues boucles jungles. La qualité esthétique des trois clips, tous capturés en noir et blanc, est optimale. Surtout au regard des faibles canons de notre époque. La maison de disques ayant visiblement accordé un budget vidéo conséquent, ce qui ne manquera pas de conforter certains dans l’idée selon laquelle Spiritbox n’est qu’un plan média. Visuel toujours, la pochette de Tsunami Sea nous apparaît plus épurée, moins complexe que ne l’était sa devancière. Trois lignes blanches sur fond sombre tracent un Janus. Le message est clair. Une fois de plus, Courtney s’en retourne inspecter l’âme humaine et ses tourments. Sa duplicité en l’occurrence.

Une immersion dans le reste de l’album confirme ce qu’auguraient les trois singles. Nous sommes en présence d’un metal contemporain fort bien manufacturé. Les heureux cosignataires de cette production sont Mike Stringer (guitariste du quatuor, et Monsieur LaPlante à la ville) et Dan Braunstein (leur producteur historique depuis 2017, également façonneur sonique du dernier Fit For a King et du prochain Silent Planet). L’auditeur s’engouffre une quarantaine de minutes durant au sein d’incessants et délibérés contrastes musicaux. L’introduction et les couplets de « Fata Morgana » sont épais, mécaniques, industriels. À l’opposé des refrains planants. La trame et le chant du surprenant et puissant « Black Raimbow » sont robotiques. À l’exception des parties hurlées. « Perfect Soul » reprend les choses laissées telles quelles il y a quatre ans. Courtney fredonne sur de douces vagues instrumentales, sa voix souvent demultipliée. L’auditeur habitué du groupe regagne l’espace de 3 minutes 59 sa zone de confort. La dureté est de retour sur « Keep Sweet », derechef pourvu d’une boucle jungle et de ces fameuses superpositions de chant. « Soft Spine » est probablement la chanson la plus violente de toute l’histoire des quatre de Vancouver Island. Poussée au-delà de ses derniers retranchements, Courtney vocifère comme jamais sur des guitares crissantes. Apaisant survol d’océans calmes, « Tsunami Sea » rappelle « Secret Garden ». La production d’« A Haven With Two Faces » ressemble elle-aussi comme deux gouttes d’eau à celle d’Eternal Blue.

« Deux visages », à l’image d’une Courtney LaPlante tantôt atrabilaire, tantôt mélancolique. Deux visages mirant des directions opposées, mais un tourment identique. Également sertie de rythmes jungloïdes, « Crystal Roses » est portée par d’oniriques nappes de synthétiseur. La voix est vaporeuse, charmante. Les petites notes coasseuses de « Ride The Wave » élargissent la palette. Ce qui devait être le quatrième extrait constitue un des sommets conceptuels et artistiques du présent disque. Le bien nommé « Deep End » clôt sous un chant clair cette déferlante d’émotion bleutée. Certes, ce subtil Tsunami Sea nécessitera plusieurs écoutes supplémentaires avant d’être certifié « chef-d’œuvre ». Sa pointilleuse confection fait évoluer le propos de Spiritbox, sans le révolutionner ni le dénaturer. De par ses thématiques, gimmicks, schémas et atmosphères, il s’inscrit dans la continuité d’Eternal Blue. Une musique novatrice, mais identiable entre mille, parfois déroutante. Une chanteuse repoussant à plusieurs reprises ses limites vocales (et probablement psychologiques, une fois encore, les séances d’enregistrement n’ont pas dû être de tout repos). Aucune piste ne semble à première écoute surclasser les autres, et aucune n’est dénuée d’intérêt. Il n’y a pas non plus de temps-mort. Cette ode au doux-amer et à la cohésion dans la discordance s’impose d’ores et déjà comme une des œuvres-phares de cette année 2025.

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