HOT on the rocks!

Soerd – Keldrikojast

lundi/07/04/2025
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Auteur : Soerd

Titre : Keldrikojast

Label : Signal Rex

Sortie le : 7 mars 2025

Note : 16/20

 

 

Tous sous-genres confondus, il y aurait 195 groupes metal pour 1 000 habitants en Estonie, ce qui classe celle-ci au rang du Danemark ou de la Grèce. Et la scène black metal estonienne n’est pas à négliger, loin de là. Depuis l’orée des années 2000, Loits, Hasswald, Darkheart, Howl, Lein, Sygis, Burial Moon, The Kardynał et Meinardus (black), Sõjaruun et Põhjast (BM pagan), Arestor, Ziegenhorn et Goatsmegma (black – death), Thunraz et Swarn (BM experimental), Tankist (BM prog), Misanthropic Orgasm et Vanad Varjud (black atmo), Dalen (black doom) et pléthore d’autres pestiférés septemtrionaux, ont placé cette petite contrée d’un million d’âmes sur la carte mondiale de la fureur païenne. Il faut dire que l’Estonie était prédestinée à ce qu’éclose puis prospère une telle mouvance : un climat baltique, un passé viking ainsi qu’une proximité géographique et historique avec la Scandinavie, des croyances et une mythologie autochtones, une christianisation tardive, un territoire couvert à 50 % de forêts, une cité médiévale pour capitale, une population taiseuse et peu exubérante, une homogénéité ethnico-culturelle forte, sans oublier un rejet viscéral de la chose marxiste-léniniste s’expliquant par quarante-six années d’annexion soviétique (le mouvement de résistance au Russo-bolchévisme était d’ailleurs connu sous le nom « Frères de la forêt » ou « Metsavennad »). Formé en 2021 à Tallinn, Soerd est l’un des derniers maillons de cette longue chaîne noire. Après une démo intitulée « Hel » en 2021, puis l’EP Mil Laaned Vaikivad en 2023, ce duo composé d’Erik (chant, basse) et de Siim (chant, guitares, batterie, synthétiseur) a publié le 7 mars dernier Keldrikojast, aux bons soins du label portugais Signal Rex. « Keldrist » désignant en Estonien le sous-sol, « Keldrikojast » pourrait plausiblement signifier « des profondeurs » ou « des entrailles »…

Soerd génère un black metal à géométrie variable, qui va piocher deci delà dans le pagan, l’atmo et l’expérimental. Un trve sans ostentation, assez facile d’accès, et qui sait se diversifier sans perdre de sa substance. Les deux instrumentistes-chanteurs ont savamment dosé de nombreux ingrédients, et nous ont concocté dix extraits d’une recette riche et équilibrée. Keldrikojast s’ouvre sur « Pt. 1: Eeslugu (Vaikinud) », un instrumental cinématique où se rencontrent vents hostiles et présages inquiétants. Qui débouchent sur « Igavikke Jäädes », une charge saccadée de 7 minutes 07, incantatoire et vociférante, stoppée l’espace de quelques mesures par de gris accords synthétiques, puis reprise sur un rythme lent et martial au son du tambour et du larsen. Ce morceau de bravoure est enchaîné à « Kolumatsuri », à sa caisse claire syncopée, à ses accords plaqués et à ses hurlements de perdu (dans les bois) ; lui-même accolé à l’étendu (7 minutes 45) « Peied Ja Lumihall » : un enchevêtrement de thèmes hétérogènes, qu’un mélancolique et magnifique accordéon vient progressivement achever aux alentours des 6 minutes 40. Le vocal sur « Muldunute Mana » alterne entre batcave naïf et hurlements de possédé. L’éponyme « Keldrikojast » clôt un premier album pour le moins vallonné, par un monologue dépressif sur nappes de synthé arte povera. Contrastes, inventivité sans aucun temps-mort, telles sont les lignes directrices de cette gemme underground. Les lacunes des Baltes en termes de production ne décourageront nullement les connaisseurs, ceux-ci bien au contraire s’en régaleront. Tout comme sa devancière sur Hel, la pochette de Keldrikojast est éloquente : gothique, forestière et (visiblement) faite maison. Ce furtif et énigmatique cliché met parfaitement en image et en valeur le propos de Soerd. À recommander aux amateurs de trve black metal, aux amoureux de l’Estonie et des pays du Nord, ainsi qu’aux épris de découverte intellectuelle.

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