Me voici ce soir au Petit Bain, péniche qui accueille un bar, un restaurant et une salle de concert. C’est un endroit que j’affectionne pour ses qualités nombreuses. Tout d’abord, monter à bord et descendre dans le ventre de l’embarcation est un plaisir particulier. On se sent vite coupé du monde réel et plongé au cœur de la musique. Ce soir, trois groupes se succèderont. Leurs styles sont éloignés mais complémentaires. Le premier, Lussuria, est composé d’un seul homme, un DJ, aux manettes de sa platine qu’il triture sans nous jeter un regard. Peut-être sommes-nous impressionnants, même si nous ne sommes pas nombreux, pour le moment. Son set commence par une électro hypnotique qui se base sur des boucles répétitives et amples, au rythme relativement lent. Je parlais de plongée précédemment, et bien on continue la descente en apnée dans une ambiance sous-marine. Le nombre de BPM augmente, le son devient plus violent, plus noisy, une voix de femme en contrepoint. Le set se termine decrescendo. Expérience intéressante.
Inspection du public qui s’étoffe petit à petit : des blackeux, des hipsters, et tout l’éventail entre ces deux populations pas antinomiques.
En deuxième partie, je découvre Abschaum. Deux mecs, un à la guitare, chant et ordi, l’autre à la batterie. D’habitude, la batterie est en arrière-plan, donnant le rythme. Ce n’est pas le cas ici. La batterie est l’organe principal, le cœur de la musique d’Abschaum. Le batteur nous cueille littéralement en accélérant petit à petit et en utilisant toute une palette de techniques pour nous entrainer très loin ! Après tout, le tambour était l’instrument favori des chamans pour entrer en transe ! Quant à son acolyte, il l’accompagne à merveille avec sa guitare saturée et ses effets informatiques. Le tout évoque Joy Division, Rodolphe Burger… Expérience très très intéressante !
Et voici celui que tous attendent avec dévotion : King Dude ! Entouré de bougies, un étendard digne d’une église catholique à ses côtés, il brandit une bouteille de Jack très entamée qu’il a obtenu en certifiant pouvoir boire et jouer sur scène : « I’m a professionnal », a-t-il affirmé au staff. J’apprécie sa verve. Il nous présente chacune de ses chansons avec humour. Le King est ému d’être ici, à Paris, ville de l’amour. Il se met facilement au diapason et nous drague ouvertement ! Et le plus beau, c’est que nous tombons tous sous le charme. Mais le diable est présent. Je te met au parfum, King Dude est luciférien : il prêche de sa voix profonde pour le Porteur de lumière (« Lucifer’s The Light Of The World » est un des titres qui sera joué) et l’auditoire est subjugué. L’ambiance guitare et bougies aide bien. Entre 2 titres, il nous parle d’amour et nous dit que nous sommes beaux. Il avoue être en roue libre et ne pas savoir ce qu’il va jouer : il nous laisse choisir. On aura droit à Silver Crucifix, Barbara Anne, Jesus in the Courtyard… La tension est palpable. Deux mecs en viennent aux mains à côté de moi. Le videur les sépare et King Dude nous exhorte à être « kind to one another ». Il semble réellement attristé par la violence. Il semble toutefois qu’il provoque des réactions intenses. Un gars crie « Fuck you » à la fin du concert. Peut-être la bière du Petit Bain est un peu forte.
En tous cas, je ressors dans la nuit parisienne en ayant l’impression d’avoir assisté à une des plus belles performances que j’ai vu. King Dude a officié un peu plus d’une heure qui m’a semblé beaucoup trop brève.
The Kat