ITW ROCK ET BEDE
Michel Janvier – 7 février et 4 mai 2015
Mine de rien (ha ha !), le Rock et la bédé ont depuis toujours été voisins de dortoir dans notre bel Hexagone. Cette proximité est probablement le fait que les deux se sont propagé en même temps dans les sixties (je mets de côté les grands ancêtres comme Louis Forton, dessinateur de Bibi Fricotin et des Pieds nickelés) et qu’ils appartiennent tous deux à la contre-culture (en tous cas a priori…). Les bédés « Rock » existent depuis au moins les années soixante-dix (prenons Kebra, le rat keupon dessiné par Tramber, ou Les Closh par Dodo et Ben Radis, sans parler de l’œuvre intégrale de Franck Margerin). Et les bédéastes qui ont donné dans le Rock existent aussi, souvent les mêmes : le groupe Dennis Twist, composé des trois derniers auteurs précités, ou l’Affaire Louis Trio (dont on oublie parfois que le dégingandé chanteur lyonnais Cleet Boris est aussi dessinateur).
Dès lors, il semblait naturel qu’ANR aille à la rencontre d’un des rejetons de cette union conforme à la nature : Michel Janvier. Le « Michou » par ailleurs désigné comme « Papa du Rock » par une des photographes de notre Webzine. Rien de moins dis-donc. L’auteur faisait partie des exposants au récent Paris Manga & Sci-Fi Show, tenu les 7 et 8 février 2015 à la Porte de Versailles. Chose assez intéressante, puisque ni le Rock ni la Bédé Franco-Belge (genre auquel se rattacherait notre homme) ne figurent au rang des arts et disciplines fétiches de cette convention (pour info, et pour les plus vieux d’entre nous, figuraient à l’affiche les acteurs qui faisaient les cinq Bioman et Kenji Oba, celui d’X Or). Bref, il est assez plaisant de rencontrer au milieu d’une jolie foire chamarrée et on ne peut plus bruyante, entre deux ados déguisés en Naruto et des peluches cheap de DBZ, notre hôte. Lequel, avec ses cheveux mi-longs châtains-gris et ses lunettes, ressemble plus à Bruno Léandri ou Yves Frémion de Fluide Glacial, voire à Geezer Butler en pull, qu’à un mangaka.
Et effectivement, à la question du pourquoi de sa participation habituelle à ce festival, Michel Janvier explique d’emblée que celui d’Angoulême est trop guindé. Il affectionne l’ambiance sympa, colorée et multi-origines du Paris Manga, surtout nous dit-il, un mois après l’attentat de Charlie Hebdo. Nous évoquons ensuite « Les musicos », sa principale série, une tribu de gamins qui répètent de la musique bruyante : il dit s’être inspiré de ses enfants, mimant des Rock Stars, attifés de t-shirts trop larges et armés d’instruments dont ils ne savent vraisemblablement pas se servir. Michel reconnaît entretenir de très bons rapports avec l’ensemble des auteurs-musiciens évoqués plus haut, question de passions ne commun. Il revient aussi sur ses débuts, en tant qu’« illustrateur réaliste » en 1977 pour Les Guides Verts, Michelin ou encore la Sélection du Reader’s Digest. Il revient aussi sur son implication en tant que photographe, notamment de concert : nous le retrouvons à ce titre tous les ans en train de shooter le Hellfest (et même d’y organiser des séances de dédicaces). L’interview est couvert par le bruit des gamins, préados et autres geeks de tous poils qui batifolent et s’ébattent dans leur environnement préféré. Dommage, car la discussion est bigrement intéressante pour les afficionados (il m’apprend par exemple que la Série « Yakari » des années 1980, n’est pas Allemande comme je le croyais, mais Suisse). Bref, Michel Janvier propose de me dédicacer son ouvrage publié en 2011 chez Bamboo Edition : il demande quelle Rock Star je voudrais qu’il dessine sur la première page blanche (« Tu veux Lemmy ? Hendrix ?). Perso, j’aurais bien voulu Keef Richards pour l’avoir moi-même dessiné plus d’une fois au lycée puis à la fac’, mais je laisse le Maître choisir… (« Bon, t’auras Keith Richards, par ce que j’aime bien le dessiner…). Ceci s’appelle de la télépathie…
Quant à son travail en tant que bédéaste, Michel Janvier s’apparente à la famille Fanco-Belge. Et son CV est bien rempli. En 1982, sur les conseils de Jean-Michel Charlier (l’un des plus grands scénaristes du genre : Blueberry, Buck Danny, etc…) et de Claude Moliterni, il dessine Rantanplan (et oui) aux côtés de Morris (neuf albums de 1987 à 1997 puis « Bêtisiers tome 7 » en 2008, » tome 8 » en 2009, « tome 9 » en 2010 et » tome 10 » en 2011) ainsi que l’album « Le Ranch maudit » en 1986 (que votre serviteur a eu pour ce Noël-là). Le Rocker ou Metalleux accordera toute son attention à « Rock’n’Vrac » publié chez Bamboo en 2011, qui est une suite d’histoires diverses et variées sur les thèmes majeurs de la musique objet du livre : « Avant le Rock, c’était pas du Rock, c’était du Belouze », « Les morts vraiment Rock’n’Roll », « Nos 70’s à nous », etc… Récits ou évoluent Chuck Berry, les Who, Tommy Lee ou encore Jean-Louis Aubert… On aura ici une préférence pour la scène de bagarre entre Nicola Sirkis et Bernie Bonvoisin en page 37. Bédé Idéale pour une entrée en matière à l’attention de votre fiston ou de votre petit neveu. Sinon, « Les musicos » et ses gamins apprentis Rock Star pourra le faire aussi.
Mi-mai, restant un peu sur ma faim au regard du potentiel Art Zone du Monsieur, je lui ai proposé une seconde interview, portant cette fois sur sa passion. ITW Rock et Bédé donc :
ANR : Ton premier concert ?
Rolling Stones, Paris Abattoirs de La Villette 4 Juin 1976 (NB : CULTE).
Ta première bédé ? (Question : réalisée ou possédée ?)
Premier « vrai » album réalisé, le Lucky Luke « Le Ranch Maudit » en 1986.
Possédée : un Tintin mais je ne sais plus lequel…
Ton premier émoi Rock’n’Roll ?
« Gimme some lovin » du Spencer Davis Group en 1966 à la radio…
Ton premier émoi bédé ?
Dans l’enfance, Tintin « L’oreille cassée ». Puis « Le Château maudit » de Paape et Charlier, une aventure de Valhardi… « L’ouragan de feu » de Jacques Martin, aventure de Lefranc et « Route de nuit » de Jean Graton, un excellent Michel Vaillant ! Plus tard à l’adolescence « Lone Sloane » de Druillet dans Pilote et « Le spectre aux balles d’or » de Charlier et Giraud.
Ton meilleur souvenir Rock’n’Roll ?
Un belle accréditation photo par Daniel Colling, fondateur du Printemps de Bourges 1993 pour Iron Maiden. C’est lui-même qui m’emmené en fosse…
La remise en mains propres à Richard Kolinka (avec son groupe Even if) de l’album « Rock N Vrac ».
Ton meilleur souvenir bédé ?
J’en ai plusieurs : j’avais fait un intérim d’encrage sur les quatorze premières pages d’Astérix « La Rose et le glaive ». J’encrais sur les crayonnés d’Albert Uderzo. A la partir de la page 6, Albert Uderzo m’a dit « Ca va, maintenant vous pouvez gommer ». J’avais donc le droit de gommer le travail d’Uderzo et ne laisser apparent que le mien ! Très émouvant… Un autre souvenir très égocentrique : je connaissais assez bien Moebius. Dans les années 2000, je ne sais plus exactement, j’attendais des amis à Angoulême dans le hall de l’Hôtel Mercure qui était gavé de monde, éditeurs, auteurs, etc… Moebius entre dans le hall, les conversations passent aux chuchotements « C’est Moebius, etc… ». Et après avoir regardé les gens dans diverses directions, il vient directement vers moi me dire bonjour et discuter ! Grand moment quand on voit surtout la tête des gens autour !
Ton pire souvenir Rockn’Roll ?
Un concert de Popa Chubby il y a quelques années, sinon le Hellfest 2007, pas pour les concerts, mais une pluie continue pendant trois jours, déprimant !
Ton pire souvenir bédé (peut être plus difficile…) ?
Certains festivals dont je préfère taire le nom…
Ton groupe Français préféré ?
Punish Yourself.
Ton groupe préféré non-Français ?
Quand même Led Zeppelin… et puis Ministry !
Ton dessinateur Français préféré ?
Moebius… et Rossi et Gibrat.
Ton dessinateur non-Français préféré ?
Frank Miller… et Dino Battaglia, Alberto Breccia.
Ton album bédé préféré ?
« Le Sursis 1 et 2 » (Gibrat).
Ton disque préféré ?
« Heathen » (David Bowie).
Ton meilleur concert ?
Il y en a beaucoup… Gainsbourg 1988, Bob Marley 1980, Page Plant 1995, David Bowie 2003, Heaven & Hell 2009, Slash 2010, Alice Cooper 2010, AC/DC 2009, Cali 2012 ! C’est souvent lié aux photos que j’y fais.
La collaboration que tu regrettes n’avoir pu faire ou aurais voulu faire (Rock’n’roll et Bédé confondus) ?
La mise en images de chansons de Gainsbourg… J’avais un contact direct par un de ses proches fin 1988… Je me suis mal organisé. Et d’autres l’ont fait.
Et la meilleure collaboration ?
Le Docteur Monge, tome 6 (« La Part d’ombre ») avec Daniel Bardet.
Ton prochain concert ?
AC/DC au Stade de France le 23 Mai, puis Mc Cartney le 11 Juin et le Hellfest du 18 au 21 Juin.
Et, pour finir, ton projet pro en cours ?
La biographie en BD du pilote automobile suisse Jo Siffert (1936 – 1971) scénarisée par Olivier Marin. Et la biographie en BD du poète de mon village (NB : notre interlocuteur est né à Meaux, mais vit dans le Limousin), gloire des salons parisiens de la fin du XIXe, Maurice Rollinat.
http://www.twipac.com/m.janvier/