HOT on the rocks!

Interview avec Sydney Taieb d’Atlantis Chronicles

samedi/16/04/2016
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Rencontre avec Sydney Taieb, batteur de l’excellent groupe français de death metal mélodique au Hard Rock Café.

ANR : « Barton’s Odissey » est votre deuxième album, que s’est-il passé entre les deux ?

AC : On a continué les concerts autant que possible après le premier album. On a dû faire une pause pour finir la composition du deuxième album et bien sûr l’enregistrement. Parce que maintenant les albums ne s’enregistrent plus comme avant. C’est-à-dire qu’avant tu enregistres tout d’affilé pendant un mois et le mois suivant tu ressortais avec CD sous le bras. Maintenant pour des raisons de budget ça ne se fait plus comme ça, également pour des questions de temps car on a tous des vies à côté. Il est difficile de vivre du métal, on a tous un travail ou des études, du coup ça se fait un peu plus au compte-goutte…

ANR : Donc un peu plus long…

AC : Oui, mais il y a un avantage : c’est de pouvoir réécouter un peu plus tard et de se dire qu’on va le refaire en mieux.

ANR : Ça fait un travail plus fini…

AC : Au final on a quelque chose de plus abouti autant dans l’expression que l’interprétation. Il y a un truc qui permet d’aller un peu plus loin dans l’expression de l’enregistrement.

ANR : C’est un avantage ?

AC : Tout à fait et aussi contraignant. On avait aussi vraiment besoin d’une pause, car les concerts c’est aussi continuer les répétitions, la mise en place de la logistique. On a pris neuf mois où on a refusé des dates de concert pour se concentrer sur cet album et bien préparer la sortie parce que ça demande de la logistique. Voilà ce qui explique cette petite absence. Mais on est vraiment content de revenir.

ANR : « Barton’s Odissey » est-il la suite de « Ten Miles » ?

AC : Sur le premier album, je vais reparler de la thématique du groupe, c’est également un concept dans lequel on suit la plongée de William Beeb, ingénieur et explorateur du début du XXe siècle. Du coup on s’est dit qu’on allait mêler les vrais faits scientifiques d’exploration, ses records de plongée, à la fiction que nous avons bien voulu broder autour de cette histoire afin de la rendre un peu plus passionnante. On suit donc la descente du personnage dans les profondeurs et sa chute vers les abysses et les ténèbres. On va pouvoir suivre l’évolution où ça va aller en se dégradant. Forcément être isolé dans cette petite batisphère et explorer un monde inconnu. Ça permet d’avoir un aspect assez descriptif de ce qu’il va voir mais aussi une espèce d’introspection du personnage, la condition humaine, la solitude, enfin ce genre de sentiments humains. Une espèce de palette. Voilà c’est un univers marin transposé à la condition humaine, la civilisation moderne qu’on aborde de façon plus explicite dans cet album là et donc BA est la suite directe du premier album. On a donc ce fameux protagoniste Otis Barton qui est le co-ingénieur de la batisphère et dans ce deuxième opus il part à la recherche de son collègue et reprend la plongée. Ce passage-là est pure fiction de notre part. Il repart dans les profondeurs à bord de ce vaisseau « L’Odisseus ». C’est directement issu des histoires de Jules Vernes, une des influences qui nous nourrit car il y en a d’autres. Donc en le cherchant, il va tomber nez à nez avec quelque chose de plus grand qu’il ne pensait à savoir la destruction du monde par les eaux. Bibliquement, on peut dire une espèce d’apocalypse. Là on sort du côté biblique et un peu péjoratif de l’image de l’apocalypse. On sort d’un cycle pour rentrer dans un autre. C’est une espèce de mort « positive » si l’on peut dire. On ne voulait pas quelque chose qui soit ancré dans des idées noires. Oui, il y a l’apocalypse, oui, il y a la fin d’un monde mais avec la résurgence d’un nouveau monde.

ANR : Plutôt positif tout ça ?

AC : Oui, complètement ! Une nouvelle Atlantide et dans cette histoire l’Atlantide n’est pas quelque chose qui a existé mais qui va exister via la destruction de ce monde et la résurrection d’une nouvelle terre. Otis Barton est le témoin de ça et l’un des rares survivants. Au fur et à mesure de l’album on va pouvoir suivre son exploration et ses observations, ce que lui en comprend en tant qu’être humain à travers ce journal de bordqu’on trouve dans le livret de l’album d’ailleurs et qui est dépeint par un aspect graphique et dans les paroles de l’album. On va pouvoir suivre ce fil rouge via la voix off de William Beeb qui écrit son journal. On voulait garder cet aspect univers entier d’exploration d’influence pop culture comme par exemple Cthulhu, Lovecraft, le cinéma, la littérature, Jules Vernes et même James Cameron avec Abyss. Un peu toutes ces choses qui ont nourri notre adolescence dont on a fait un petit condensé aujourd’hui pour en sortir une histoire bien à nous et un peu nouvelle par certains aspects et nourrit de choses et d’autres et qu’on a absorbé comme n’importe qui. Ça va être plutôt dans la forme et dans le fond, ça va nous permettre d’aborder l’univers marin. On nous demande souvent si cet univers ne nous ancre pas ou ne nous limite pas, voir nous faire tourner en rond… eh bien non, justement, c’est une charte visuelle c’est un univers dont la forme parait limitée mais qui nous permet d’explorer des questions plus existentielles, un peu plus profonde, notamment sur la nature humaine, la civilisation, les erreurs de l’homme, le passé, le présent, le futur, ce qui nourrit des fictions, des romans. C’est très, très vaste et potentiellement illimité.

ANR : Et le prochain, vous pensez rester dans la même thématique ?

AC : Oui certainement, car c’est notre image, notre thématique.

ANR : Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’explorer ce thème, alors qu’il n’est pas souvent abordé dans votre style musical ?

AC : Il y a tellement de groupes, qu’il fallait un petit peu jouer une carte nouvelle. A la base, ce n’est pas forcément pour se démarquer, puisque c’est vraiment quelque chose qui nous plaît, qui nous attire, l’univers marin. En tout premier lieu, la symbolique de l’océan, la base de toute forme de vie, tout être vivant. L’eau force créatrice et destructrice par divers cataclysmes naturels qui sont difficilement maîtrisables. C’est donc un symbole de création et de destruction, la rêverie que cela peut évoquer, tous les poèmes que cela a fait naître, tout l’imaginaire collectif que l’on a, pas seulement en tant qu’occidentaux mais aussi en tant qu’êtres humains. On a tous une vision très définie de l’océan et c’est ça qui a nourrit en tout premier lieu l’idée de cette thématique depuis toujours quand on a commencé ce groupe-là et jusqu’à aujourd’hui. Ce sont ces diverses influences qui ont nourrit ce projet dans la forme et dans le fond en développant des sujets qui sont un peu d’actualité et qui nous anime tous je pense. Ça permet de faire passer un message de façon un peu artistique.

ANR : Vous vous appeliez Abyss avant, qu’est-ce qui a provoqué ce changement de nom ?

AC : C’est plus ou moins l’arrivée d’Antoine en fait, car dans Abyss on était 4, le guitariste actuel qui était au chant lead et il s’avère que les influences ont changé, la musique a évolué et on voulait une voix plus moderne qui aille dans un autre sens, moins ancrée dans l’univers thrash metal. Nos influences changeant, Antoine est arrivé dans la formation en 2010 et tout ça a amené naturellement vers un changement de nom de groupe pour marquer cette nouvelle identité, ce renouveau, ce second cycle. On en revient à l’album, la fin d’Abyss mais qui donne naissance à Atlantis Chronicle.

ANR : la thématique était déjà là…

AC : oui plus ou moins… rien que le parcours du groupe, il y a déjà l’idée : notre ancien groupe disparaît, oui mais… il donne naissance à quelque chose de nouveau, de mieux, plus élaboré ! Donc oui quelque part il y a un lien entre le parcours du groupe et cette nouvelle thématique qu’il faut voir d’un bon œil. Cette mort qui peut être mal prise mais qui est profondément positive.

ANR : un peu comme le phœnix qui renaît de ses cendres.

AC : Exactement ça, renaître en mieux, en apprenant de ses erreurs, des erreurs du passé. C’est l’idée générale.

ANR : Votre pochette vraiment superbe, est l’œuvre d’un artiste suédois Pär Olofsson », comment s’est passée la rencontre ?

AC : C’est un artiste suédois qu’on avait vu sur différentes pochettes de groupes qu’on affectionne : Immortal, Aborted, The Faceless, Psychotic et cette patte graphique qui revenait à chaque fois, on se disait, ce mec là il est incroyable, il faut qu’on l’ait pour notre jaquette. Du coup, on voulait une imagerie, quelque chose de fantastique, onirique. Une espèce de scène grandiose et grandiloquente, quelque chose de fort et de puissant visuellement comme notre musique. Il fallait qu’on puisse dépeindre ce qu’on voulait injecter dans la musique par un visuel marqué très puissant. C’est du mailing tout simplement, on lui envoie un petit mail en lui expliquant ce qu’on veut. C’est une personne très gentille, comme tout le monde qui a un contact facile. Donc là on est au premier album, il nous répond et est super emballé par le projet, la thématique et tout ce que ça peut dégager. On bosse sur le projet de « Ten milles » et la collaboration est super simple. Nous, on délimite les « objets » qu’on veut voir figurer par rapport à la thématique et lui a réussi à capturer ces instants-là, ces idées-là dans un instant qu’on retrouve sur le premier album et plus encore sur le deuxième. Une image figée d’un instant qui paraît être fort : Otis Barton qui découvre la batisphère de William Beeb et qu’on retrouve sur le premier album. C’est d’ailleurs un élément graphique commun aux deux pochettes et qui fait un peu le lien entre les deux scénarii étroitement liés. Il arrive donc à cette espèce de porte qui symbolise potentiellement une cité engloutie géante par l’entremise de cette statue immense, échouée où toute la flore donne naissance à des couleurs un peu fantastiques. C’est le parcours de l’explorateur dans les fonds sous-marins, de la noirceur et d’un coup de la couleur, quelque chose de nouveau, de frais et d’inattendu. Il a fait juste la cover. Pour ce qui est de l’intérieur, le layout, le reste, c’est dans le livret, c’est un artiste qui est un ami à moi, un graphiste qui s’appelle David Bassem. Il a fait le livret en forme de journal. Cela reste homogène même si on a deux artistes différents qui ont travaillé sur le projet. Il y a une continuité autant dans le visuel que dans le scénario.

ANR : Peux-tu me parler un peu de vos influences respectives ?

AC : Ca commence très tôt car finalement un groupe c’est un peu la soupe des influences de tous les membres qui le composent, donc ça peut remonter très, très loin… au début des Pantera, Death, moi j’étais très très fan de ce groupe là et après il y a eu des choses plus modernes qui se sont rajoutées au fur et à mesure des années. Dans les influences, je vais te reciter The Faceless, qui est une grosse influence personnellement, et Within the Horizon, et après on va avoir des choses qui date un peu plus et qui viennent de la scène hardcore, ça rentre aussi en ligne de compte : Jérôme est très fan de Marty Friedman. Son agressivité à la guitare a nourrit ses solos de guitare que Jérôme a rajouté aux compositions d’Alex. Dans le rock, on va avoir des choses un peu plus standard je dirais Queen par exemple, grosse influence, supers musiciens. C’est un groupe atypique. Voilà ça va du rock au métal extrême et en passant par le prisme de tous ses groupes-là qui ont traversé les âges et les générations. On est, nous, à cet instant T où nous capturons toutes ces influences rock, metal et même pas metal du tout, parce qu’on écoute aussi des choses diverses et variées. Les influences c’est toujours dur à définir car il y en a beaucoup, qu’on écoute beaucoup de choses : The Faceless, Gojira, Animal Attract restent nos plus grandes influences. La vague prog aussi avec des sons clairs qui ont été plus initié par des groupes comme Opeth et si on remonte dans des groupes de rock prog, Yes, oui ça remonte loin mais finalement ces groupes-là ont influencé les groupes aujourd’hui. Donc comment ne pas les citer !

ANR : Vous avez des concerts de prévu bientôt ?

AC : Oui, la tournée vient juste de commencer et on a fait une date la semaine dernière. C’était super bien, on a fait plus d’entrée que l’on espérait. Ce petit recul pour travailler cet album là et revenir, me donne l’impression qu’il y a des choses, comme des graines qui ont germé. Du coup, il y a beaucoup de gens qu’on attendait pas et une salle où on a déjà joué. Là on se retrouve devant le double du monde de la dernière fois sur l’album précédent. C’est un bon début sachant que l’album n’est pas sorti. C’est positif pour la suite de la tournée. A la fin du mois on va jouer à Grenoble, Marseille, Paris le 05 avril puis Nantes, Rennes, Bordeaux, Never, Boulogne s/Mer aussi. On doit avoir des dates en Belgique également. Pour chaque album on commence sur le territoire, on rode le set, on prend la température de ce qui marche, marche moins bien en live. Parce qu’il y a des titres qui marchent bien sur CD et en live beaucoup moins. On le voit au ressenti du public. C’est un premier contact avec notre fan base qui au final est en France. Des gens qui nous suivent un peu partout. Ça va vite maintenant avec le net. Sur son territoire, c’est toujours plus facile ! et suivant la tournée européenne, pourquoi pas jouer outre-Atlantique.

ANR : Pourquoi pas !! je vous le souhaite !! Pour l’instant, quel est le pays le plus lointain où vous ayez joué ?

AC : Le Japon, la première année on est parti tourner au Japon avec Beyond Creation, un groupe dans notre veine, du death technique, un groupe canadien. Il y avait aussi Vomitory pour leur tournée d’adieu, de bons gros vikings sympathiques, je ne sais plus trop d’où ils viennent Suède, Norvège (ndlr : Suède ;)) C’était rigolo parce qu’on s’est retrouvé avec eux pour une expérience totalement dépaysante. Un autre public, une autre culture.

ANR : Comment est le public là-bas ?

AC : C’est assez étonnant. Il faut savoir qu’ils ont une vie très réglée, j’ai envie de dire robotisée. Ils sont très travail, très droits et venir aux concerts de metal, j’ai l’impression c’est un petit peu comme un lâché prise. Ils ont une petite fenêtre de folie où ils peuvent en profiter et les gars s’engouffrent dedans avec grand plaisir avant de retourner dans leur petite vie bien carrée et maîtrisée. C’est marrant de voir débarquer les gens en costard cravate au concert. Il pose la mallette, se met au milieu du pit et se lâche. C’est assez particulier. Des gens qui nous amènent des cadeaux aussi parce qu’ils ont aimé l’album et ils ont la sensation qu’il faut rendre ce que nous, on leur a donné. C’est gratifiant et plaisant aussi. Un peu déstabilisé sur le coup mais après on apprécie vraiment.

ANR : Le mot de la fin ?

AC : Je vais me répéter un peu dans ce que j’ai dit aujourd’hui mais c’est vrai que dans le contexte actuel, de la culture en France, il y a un mouvement en ce moment qui fait qu’il y a moins de budget, des salles qui ferment, des associations qui se dissolvent… et c’est très très dur de vivre aujourd’hui de la musique donc ce que je veux dire aux lecteurs c’est de venir aux concerts, c’est vraiment eux qui font vivre la scène. C’est eux qui nous permettent de continuer à faire des albums, à prendre autant de temps car c’est extrêmement chronophage et quand on a une réponse du public en concert, ça donne du cœur à l’ouvrage et on a envie d’aller plus loin pour eux. Pour nous en tant qu’artiste, on est autocritique sur notre travail mais plus il y a de gens qui nous suivent moins on a envie de décevoir. Donc plus on a tendance à vouloir aller plus loin dans la démarche, que ce soit dans la thématique, le visuel, la musique, ça passe par différentes choses mais c’est nourrit par ce suivi et cet accueil du public. Donc venez au concert et faites vivre la scène !!

ANR : MERCI BEAUCOUP !!

 

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