1-Graphiste de métier, qu’est-ce qui t’anime réellement à travers cette passion?
L’envie de bien faire. Je n’ai pas envie de faire autre chose d’ailleurs. Une passion dans laquelle on tombe, on apprend à rater, à recommencer, de sans cesse se remettre en question. D’interpréter, de toujours solliciter son esprit. Cela peut être fatiguant, mais je ne me sens pas de faire autre chose.
2-Peux-tu nous en dire plus sur tes débuts et comment as-tu évolué dans ce domaine tout en conciliant avec la musique?
Enfant, je voulais faire du cinéma. Réalisateur sûrement. Puis j’ai commencé à beaucoup dessiner, je me disais que j’en ferais bien ma vie plus tard, mais rien de fixé. Puis je pense que c’est adolescent que je me suis tourné vers le graphisme. C’est assez lié à la musique, à vrai dire, j’avais envie de faire des covers, de mettre en images ce que j’entendais. J’ai donc intégré une école de design, où j’ai découvert qu’il y avait un champ des possibles encore plus vaste. Beaucoup de domaines d’expression, il y avait une certaine idée de liberté. Après, il y a une séparation à faire rapidement, entre les travaux personnels, et les commandes. J’ai donc persévéré dans le graphisme, en voulant en faire mon métier, parce que je n’ai simplement pas envie / je ne saurais pas faire autre chose.
3-Qu’as-tu fait pour les groupes appartenant à la Church of Ra?
Il me semble que tu avais crée il y a quelques temps des artworks pour Ulver, Omega Massif… Peux-tu nous décrire le déroulement de ses projets et comment tu t’appropries les idées de ces groupes stp.
Pour les groupes COR, je ne pourrais pas vraiment te faire de liste, on travaille ensemble au quotidien, chacun se parle de ses projets, en faisant en sorte que nos plans se mettent en place. Au moment où je réponds, je travaille par exemple pour Oathbreaker, qui enregistre un nouveau disque et ils m’ont demandé d’y participer, d’ajouter des ambiances. J’avais commencé quelque chose de proche de ce que je fais habituellement. J’ai tout jeté. Et je pars sur quelque chose d’autre. On se pousse donc les uns les autres.
Je demande toujours aux groupes quel est leur message. Je suis là pour traduire leurs envies, explorer leur personnalité, la mettre en lumière. Je pose donc des questions. Je doit devenir leur mains. On doit se faire confiance, j’explore puis je propose. J’aime l’échange qu’il peut y avoir. J’aime qu’on m’envoie sur d’autres territoires aussi. Parfois, les groupes n’osent pas, à moi de les convaincre. Je leur livre ma vision, mon ressenti, mais dans un questionnement tout autre de lorsque je travaille sur des choses personnelles . Je ne vais pas coucher mes obsessions. J’essaie de comprendre celles de ceux qui viennent vers moi. Il y a un aspect analyse que j’aime beaucoup.
https://www.facebook.com/trehasektori
https://www.facebook.com/SemblerDeah
4-Treha Sektori est signé chez Cyclic Law, as-tu pu collaborer avec eux ou des groupes signés dessus pour faire des covers, des projections vidéos ou autre?
J’ai travaillé sur des visuels liés au label, merch, etc mais surtout des artworks pour des groupes signés sur CL (TeHOM, Taphephobia, Funerary Call…). Je suis devenu proche avec Frederic qui dirige le label, c’est avec plaisir que je travaille sur des projets qui lui sont proches. Je n’aborde pas ces artworks comme étant une marque « Cyclic Law », mais contribuer à créer une identité. Que l’image qualitative du label, se fasse à tous les niveaux, musical et visuel. J’essaie de contribuer à tout ça.
5-Début 2016 un nouveau side project voit le jour avec trois autres musiciens « Ovtrenoir ». Est-ce un projet musical qui se rapproche plus de ton quotidien et de ta passion?
C’est un projet différent, moi qui suis habitué à jouer seul. Là je suis confronté à des regards, des envies. Mais on est sur la même longueur d’onde donc il y a peu de compromis. Je le fais de la même façon dont j’aborde le travail musical. Je le fais par besoin, je me plonge dedans au maximum, donc je ne dirais pas que c’est celui qui se rapproche le plus de mon quotidien, il en fait simplement désormais partie.
https://www.facebook.com/ovtrenoir
6-Qu’utilises-tu comme matériaux essentiellement? Effectues-tu la majorité de ton travail sur ordinateur ou essaies-tu de conserver la trait original de ta pâte graphique?
Jusqu’à présent, beaucoup de montage photos. Donc tout passe beaucoup par la machine au niveau de la réalisation. Depuis un moment, je me suis mis au motion design, ce qui me fait passer encore plus de temps devant un écran. Donc dans mes travaux personnels, je commence à vouloir limiter ce passage à l’écran. Je m’essaie à l’illustration traditionnelle et à la sculpture. Envie de matière, envie de réapprendre la patience que le print et les deadlines serrées m’ont fait perdre. Je travaille de plus en plus sur des illustrations digitales également, c’est un bon « compromis » et mon piètre niveau y est moins présent, puisqu’on a la possibilité de revenir en arrière. Ce que ne permet pas les médiums plus traditionnels. C’est un peu ce que je recherche. Apprendre à se casser la gueule, à devoir recommencer, à ne pas voir le résultat tout de suite. On est d’autant plus fier d’avoir accompli quelque chose à la fin, ça se fait plus dans la sueur.
7-As-tu déjà eu des envies de pratiquer un autre art visuel?
Je vis avec l’envie d’explorer un maximum de choses. Je m’endors souvent en me disant que je n’aurais jamais assez de temps, jamais assez de capacités et de talent pour faire tout ce dont j’ai envie. Cela tient bien en mouvement, donc oui, j’ai envie de pratiquer beaucoup de choses. En ce moment, la vidéo occupe beaucoup mon esprit, je travaille sur des projets personnels à ce niveau là, quelques commandes en cours, et j’ai encore beaucoup de travail, mais je sens que les possibilités sont encore plus grandes, et voir une idée en mouvement se réaliser, c’est retrouver un peu l’accomplissement, l’idée totale. Repartir à zéro, oublier tous ses automatismes, c’est motivant. Je pense aussi à aller dans le sens de la performance. Beaucoup de choses à disposition pour raconter des histoires, j’essaie de vivre des expériences, de proposer des choses. Pas assez de temps sur Terre pour tout explorer, mais il faut essayer.
8-Quelles sont tes principales sources d’inspirations? Mis à part l’univers des cabinets de curiosités qui est très récurent dans tes projets, quels autres thèmes exploites-tu?
L’inspiration je la trouve en ouvrant les yeux sur ce qui nous entoure. Chaque moment, chaque claque prise, est une source d’inspiration. J’ai une fascination pour les chimères, de marcher avec la connaissance de la mort. Certaines spiritualités m’inspirent beaucoup également. Ritualiser les choses, l’idée de « pratiquer la philosophie » aussi est un principe qui me parle. Traduire des expériences. C’est surtout ça qui m’inspire. Transposer ces claques, avoir tellement de choses bloquées dans la gorge, et essayer de s’en débarrasser, de lâcher un peu prise. L’intensité de sensations.
9-Y-a-t-il un artiste en particulier avec qui tu aimerais créer un projet? Il me semble que pour le clip/performance de « ah estereh komh derah » tu as bossé avec un certain William Lacalmontie. Racontes-nous
J’aurais pas de noms particuliers à te donner, puisqu’il y en aurait une centaine ! Ce sont surtout des personnalités que je recherche. J’aime travailler avec des gens dont ça fait sens de travailler à un moment précis. Si les chemins se croisent, ce n’est pas par hasard. Les rendre productifs c’est encore mieux. J’ai surtout envie de travailler avec des gens avec qui je n’ai aucun point commun. Qui travaillent avec des obsessions différentes. J’ai besoin de chocs. La rencontre avec William en est un bon exemple. Il m’avait d’abord contacté pour faire des portraits, et quelques temps après, je finalisais mon second album avec Treha. J’avais des envies visuelles qu’il a traduit, on a travaillé main dans la main là-dessus, avec une implication totale. On s’est rencontrés avec ces projets.
10-Tu as exposé fin 2015 aux Voûtes à l’occasion du show de CHVE et SYNDROME , songes-tu à d’autres salons, expositions ou festivals pour les prochains mois?
J’ai des idées d’expositions, oui, mais je n’ai rien de fixé pour le moment. Je ne démarche pas au quotidien, je ne suis pas bon là-dedans, l’auto promotion. Mais il y a beaucoup d’endroits dans lesquels j’aimerais exposer, et d’avoir des plans réels, avec des dates, ça donne un autre moteur, pour tenter d’autres choses. Je travaille beaucoup avec un sérigraphe, qui en plus d’être doué, est un gars super, qui trouve toujours des idées de matériaux très cohérentes. Il a sérigraphié quelques-uns de mes visuels sur du bois, et ça m’a beaucoup parlé. Je me suis lancé dans une série, qui sera sur ce support. Pourquoi pas, donc, pour une future exposition, si l’occasion se présente.
11- Peux-tu me décrire en quelques mots l’univers traité et ce qui t’a inspiré pour la création de ton livre « The Sensation Of Being One Of Them Artbook?
Je ne le perçois pas comme un portfolio, j’ai surtout essayé de raconter une histoire. Des mots, des images. Le titre évoque ça, se sentir comme l’un des leurs, une tentative de créer une humble mythologie, sur le fait de traverser, en transportant son fardeau. De se sentir ailleurs. Chaque partie étant une étape, une métamorphose. La réalisation du livre est liée aux mêmes motivations dont je parlais plus haut. Le besoin d’expulser.
12- Merci beaucoup Vincent pour cette interview!
Pour clôturer cet échange, dans un futur proche ou lointain, souhaiterais-tu être intégralement investi que dans le son ou dans l’art graphique?
Merci à toi surtout ! Être intégralement investi, je pense que c’est déjà le cas, mon esprit est toujours occupé.