Samedi 17 septembre 2016 au proche sud de la capitale, une foule se masse dans la nuit fraîchement tombée à l’entrée de la salle Icare, la MJC d’Issy-les-Moulineaux. L’affiche Or Not / Mankind / No one is innocent, organisée par l’équipe du Réacteur – efficace réseau musical Isséen fondé en 1995 et assurant la coordination d’un dispositif de musiques actuelles – est complète depuis quelques jours.
Petit aparté au sujet de l’appellation «Réacteur» qui est, pour information, un clin d’œil au passé de la commune. En effet, c’est au Val d’Issy que furent abrités les premiers terrains d’aviation de l’Armée Française dès décembre 1891, la ville les louant ensuite aux avionneurs et autres mécènes pionniers. Issy-les-Moulineaux sera – et est encore – considéré comme «le berceau de l’aviation mondiale». On saluera également au passage la volonté des pouvoirs et des associatifs locaux, qui, comme ceux de Mennecy ou Savigny-le-Temple, font en sorte de donner des ailes à la musique lourde. Le « municipalisme » culturel existe encore en 2016! Et les membres du Réacteur le prouvent puisqu’il n’y a aucune différence avec un concert «100 % Corporate», sauf le prix des places (13,00 euros en prévente, 15 sur place) et le Merch’.
Mais revenons à notre affiche. «Icare», «Réacteur»: les mots font sourire quand on sait que les gigs de No one is innocent se font à la verticale, Kemar Gulbenkian étant une des rares créatures terrestres à pouvoir sauter deux ou trois fois sa taille. 21h34, ça ne loupe pas: la puce franco-arménienne est déjà torse-nu sur scène et accumulent les sauts épileptiques, le public de devant à l’unisson. Dès lors, slams et stage diving vont s’enchaîner pendant près de 2h10. La set-list du groupe est quelque peu différente de celle proposée au Hellfest en juin dernier: «La Peau» est expédiée avant la moitié du concert et il n’y aura pas de reprise du «(We are) The Roadcrew» du légendaire bombardier British (dommage, le clin d’œil et à l’aviation et à la base Metal du groupe aurait été parfait).
Le public du jour va avec l’affiche: No one a su amalgamer les anciens de 1994, ceux des années 2000, ainsi que les plus jeunes. Moyenne d’âge 30 ans et une rafraîchissante envie de bouger en fonction des rythmes et des multiples incantations de Kemar, bonne représentation du public que l’on croise dans les Fests et les salles Franciliennes. Avec son maillot de la sélection islandaise 2016 (envie de clapping?), un grand chevelu très actif devient la curiosité vestimentaire de la fosse, qui sera inondée de sueur au premier tiers du concert, tandis que No one alterne classiques et morceaux récents.
Kemar réglera ses comptes à l’heure du jeu avec son «ami» Johnny Rotten (qui se serait mal comporté avec lui et le détesterait, mais « ce n’est pas grave » dixit le chanteur) puis enchaînera sur le bienvenu riff de « Sweat Leaf » de Black Sabbath (ça plane aussi… même si les cigarettes sont, elles, malvenues, années 2010 obligent). La force de No one est de mélanger sans peine rock français (hommage aux précurseurs Béruriers noirs, ainsi qu’à leur célèbre slogan sur la jeunesse modifié pour l’occasion), Metal, Fusion et Indus, et ce sans ménager sa peine (facile, je sais): comme d’habitude, des hectolitres de sueur vont être dépensés par Kemar et les siens. Ses hurlements convulsifs vont être déversés à la pelle, toujours pour le plaisir de l’assistance. Le chanteur harangue le Réacteur entre et pendant les morceaux, à la façon de Bernie Bonvoisin 35 ans auparavant. Mais, la moitié de Trust est dans les choux depuis longtemps alors que les cinq de No one sont on ne peut plus présents et d’actualité. Générosité est le maître-mot de la formation parisienne.
« Charlie » sera sans nul doute le moment fort de ce show tribal. A 22h47, les lumières d’Icare se rallument sur une musique de Tom Jones et le groupe salue son public reconnaissant. Public qui n’aura nulle peine à retrouver ses pénates, tant l’Espace Isséen est bien desservi (à 100 mètres de la station Corentin Celton, le top pour ceux qui rentrent en transports urbains).
Dans cet ensemble de faits avérés et de certitudes, une petite question demeure néamoins. Et elle assez troublante: bon sang, Kemar, qu’est-ce qui t’a pris de balancer sans raison apparente un coup de pied à notre pacifique photographe pendant «Propaganda»?!? Et dans son plexus de surcroît!?! Et au grand Dam des fosseurs stupéfaits, en plus?!? Elle en avait encore mal le lendemain… Certes, on te connaissait généreux sur scène, mais pas à ce point-là. Bon, nous ne sommes pas chiens, on publie les meilleurs clichés qu’elle a pris de vous juste avant, donnant (elle-aussi) de sa personne dans la fosse. Etrange incident. Ce faisant, et l’espace d’un instant, Kemar, tu as rejoint la cohorte des gros nazes du rock, ceux qui estiment que bousculer un cameraman ou un photographe qui fait son taf, c’est être rebel… cohorte au rang duquel Johnny Rotten figure bien-sûr en tête.
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